Réforme des retraites14e jour de grève, négociations à Matignon
Les syndicats français doivent rencontrer mercredi le Premier ministre pour discuter de la réforme des retraites.
Au lendemain d'une troisième journée de manifestation contre la réforme des retraites et à trois jours des vacances de Noël, Édouard Philippe reçoit à nouveau les syndicats à Matignon mercredi, pour tenter de trouver une porte de sortie à la crise, sous la menace de nouveaux blocages dans les transports pendant les fêtes.
Ils étaient tous dans la rue mardi, ils seront tous à Matignon mercredi: les leaders syndicaux et patronaux ont rendez-vous, chacun leur tour, avec le Premier ministre à partir de 14H00. L'Unsa ouvrira le bal, suivi de la CGT, la CFTC, le Medef, la CFDT, la CPME, l'U2P, FO puis la CFE-CGC. Des entretiens qui se succèderont au pas de charge, toutes les 50 minutes précisément.
Le plus attendu de tous, Laurent Berger, arrivera à 17H20, pour redire en face à Édouard Philippe son opposition à «l'âge d'équilibre» que le gouvernement veut fixer à 64 ans, avec un «bonus-malus» censé inciter chacun à travailler plus longtemps. «Pour la CFDT c'est clair: nous (n'en) voulons pas», a encore rappelé le secrétaire général du premier syndicat français.
Un nouveau «M. Retraites»
Ils auront également un nouveau «M. Retraites» en face d'eux: nommé mardi soir, Laurent Pietraszewski, député LREM du Nord, remplace le haut-commissaire aux retraites démissionnaire Jean-Paul Delevoye, rattrapé par des révélations sur ses activités parallèles et mandats non déclarés.
Laurent Pietraszewski était destiné, en tant que député, à être le rapporteur du projet de réforme des retraites lors de son examen au Parlement, prévu en février. Il participera au Conseil des ministres mercredi matin, a indiqué l'Elysée à l'AFP.
Mardi à Paris, le cortège à l'appel des syndicats a rassemblé 76'000 personnes, selon les autorités, qui ont compté 615'000 manifestants dans tout le pays pour cette troisième mobilisation, en net rebond par rapport au 10 décembre (339'000), mais en deçà de la première journée du 5 décembre (806'000).
La CGT a revendiqué 1,8 million de participants, soit davantage que le 5 décembre (1,5 million) et deux fois plus que le 10 (885'000). La poursuite du mouvement a été décidée mardi soir en intersyndicale, par des «actions locales» à partir du 19 et sans trêve de Noël, mais sans nouvelle journée d'action nationale à ce stade.
Compromis
Si le Premier ministre a répété mardi sa «détermination totale» à mener à bien la réforme promise par Emmanuel Macron et à créer le «système universel» de retraite par points censé remplacer les 42 régimes existants, plusieurs membres du gouvernement ont donné des signes d'ouverture. «Évidemment nous sommes ouverts à bâtir un compromis», a dit la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye sur LCI.
«Le Premier ministre, demain, reçoit les organisations syndicales pour leur dire: pendant un an, discutons des conditions à réunir pour que nous soyons à l'équilibre en 2027», a même déclaré sur LCI Amélie de Montchalin. Édouard Philippe a déjà prévu de revoir les partenaires sociaux «ensemble lors d'une multilatérale» jeudi à 16H00.
Un raout propice à d'ultimes compromis avant l'envoi au Conseil d'État d'une première mouture du projet de loi dont la présentation en Conseil des ministres est programmée le 22 janvier.
Le temps presse, donc, d'autant plus que la grève se poursuit dans les transports en commun, entraînant de fortes perturbations du trafic à la RATP et à la SNCF, dont les dirigeants doivent eux aussi être reçus par Édouard Philippe mercredi soir, à la suite des partenaires sociaux.
Pas de «trêve» de Noël
La compagnie ferroviaire affirme qu'elle pourra transporter ce week-end tous les passagers ayant déjà réservé un billet TGV. Mais pour l'instant, tous les syndicats de cheminots, y compris la CFDT, refusent la «trêve» de Noël souhaitée par l'exécutif mais aussi par Laurent Berger, seul soutien de poids au principe d'un «système universel».
Le renoncement à «l'âge d'équilibre» serait un geste fort envers cet allié potentiel «qui commence à être doublé par une partie de sa base», observe une députée de la majorité, convaincue que «si la CGT reste la seule à bloquer, ça va, on passe».
D'autres obstacles se dressent sur le chemin de la réforme: après les régimes spéciaux, ceux des caisses «autonomes» du collectif SOS Retraites appellent à une «grève glissante» à partir du 3 janvier. Si la menace est à relativiser venant des avocats, experts-comptables et autres infirmières libérales, elle pourrait s'avérer plus gênante du côté des hôtesses, stewards et pilotes de ligne, en plein week-end de retour de vacances.
Coupures dénoncées
La ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne, a condamné «très fermement» mercredi les coupures d'électricité et les blocages routiers dans plusieurs régions à l'initiative de grévistes de la CGT, estimant qu'«il n'y a pas de droit aux blocages, aux menaces, aux coupures sauvages».
«Ce qui s'est passé est grave, quand on a des dizaines de milliers de foyers qui ont été privés d'électricité, et puis, à Lyon, cinq cliniques, une station de métro, une caserne de pompiers», a observé la ministre interrogée sur France Inter.
«Je condamne très fermement et j'ai demandé aux dirigeants de RTE et d'Enedis de déposer plainte systématiquement», a-t-elle précisé. «Ca s'appelle un acte illégal», a renchéri sur CNews le secrétaire d'Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari.
«Comme tout acte illégal, (...) c'est pénalement répréhensible. Ceux qui aujourd'hui jouent avec le droit, ceux qui sont identifiés, seront évidemment poursuivis», a-t-il ajouté.