InterviewGuillaume Canet: «J'ai besoin d'être aimé»
Plus de huit ans après «Les petits mouchoirs», le réalisateur et acteur réunit de nouveau la bande devant sa caméra dans «Nous finirons ensemble», en salle ce mercredi. Rencontre.
- par
- Laurent Flückiger
Interview: Laurent Flückiger / Vidéo: Yann Bernard / Montage: Laura Juliano / Photographe: François Melillo
Sorti le 20 octobre 2010, la comédie dramatique sur l'amitié «Les petits mouchoirs» avait touché beaucoup de gens. On ne pensait plus revoir la bande de potes réunie jusqu'à ce que Guillaume Canet décide de réaliser une suite après être tombé sur son propre film à la télévision bien des années plus tard.
Voici donc «Nous finirons ensemble», qui se déroule de nouveau dans la région du Cap-Ferret, huit ans après. François Cluzet, Marion Cotillard, Gilles Lellouche, Laurent Lafitte, Benoît Magimel, Pascale Arbillot et Valérie Bonneton sont de retour. Mais bien des choses ont changé pour leurs personnages. Si le plaisir de retrouver la bande est bien réel, l'émotion n'est plus la même qu'en 2010.
«Le Matin» a rencontré Guillaume Canet lors d'une avant-première à Genève.
Vous avez multiplié les avant-premières de «Nous finirons ensemble». Souvent en présence de nombreux acteurs. C'est comme ça que le succès des «Petits Mouchoirs» s'était construit en 2012?
Non, c'est ce qui se fait toujours pour tous les films. En tout cas pour tous ceux que je sors en tant que réalisateur. Je les présente en France, en Belgique, en Suisse et même ailleurs. C'est une période assez intense mais ce sont des moments privilégiés où je peux être avec le public. Dans ce métier, on est tout seul des mois et des mois devant son ordinateur puis on est sur un plateau de cinéma avec une équipe. Après, on a envie du contact avec les spectateurs, d'avoir leur retour.
Et quels retours avez-vous?
Jusqu'à présent ils sont formidables! J'avais une grande angoisse. Cela fait des années que j'entends des gens me dire que «Les petits mouchoirs» est un film très important dans leur vie. Du coup, j'avais la pression de faire une suite si attendue. Mais les gens sortent de séance très heureux, très émus. La plupart le préfèrent même au premier. Je pense qu'ils ont énormément de plaisir à retrouver la bande.
Qu'est-ce qui vous a poussé à faire une suite? La pression des acteurs? Du public? De la production?
Il n'y a eu la pression de personne. Je n'ai jamais voulu faire de suite. Pour plusieurs raisons: dans «Les petits mouchoirs», je parle de la mort d'un pote; raconter des histoires qui me sont très chères a rendu le processus d'écriture compliqué; enfin, un autre pote de la même bande s'est tué à moto le jour de la sortie et j'ai fait un rejet total du film. Bien des années plus tard, je suis retombé sur «Les petits mouchoirs» à la télé et j'ai eu vachement de plaisir à retrouver les personnages.
La bande-annonce des «Petits Mouchoirs»
Les personnages vous manquaient?
Oui, et c'est vrai que j'étais intéressé à savoir ce qu'ils étaient devenus. Mais je n'avais pas forcément d'idées. Deux ans après, j'ai fait un constat sur l'amitié: à mon âge, à 46 ans, quand on a des enfants, qu'on a perdu un pote ou un parent, qu'on s'est remarié, les priorités changent et les amitiés changent. Ce n'est pas parce qu'on a été potes durant vingt ans qu'on est obligé de le rester. C'est ce que dit Max (ndlr.: François Cluzet) dans le film. Je trouvais intéressant de me demander si la bande se voyait encore, si le deuil les avait séparés et s'ils seraient vraiment heureux de se retrouver.
En huit ans, vous avez pris de la bouteille. Est-ce que le film «Nous finirons ensemble» était plus facile à réaliser?
Oui. Effectivement, je suis plus mature et j'ai plus d'expérience. C'est mon 3e film depuis «Les petits mouchoirs». Les comédiens étaient également plus professionnels que durant le précédent tournage. (Rires.) Peut-être que je parviens aussi à prendre davantage de distance, à être moins pathos sur l'émotion. J'ai écrit le scénario du premier en un mois et demi, en lâchant tout. Cette fois, les choses sont plus réfléchies.
Avez-vous, cette fois, hésité à apparaître à l'écran?
Non. Sur un film choral il y a tellement de choses à gérer! Je tourne souvent les scènes en continu. Et, après des prises de quatre à cinq minutes, il faut que je me souvienne de ce qu'ont fait et ce qu'ont dit les huit comédiens. Si je devais jouer dans le film, je pense que je serais devenu schizo. Je n'ai jamais vraiment eu envie de faire partie de la bande, je ne voulais pas donner l'impression de tirer la couverture à moi. De toute façon, on me retrouve beaucoup à travers les personnages, notamment à travers Max.
La bande-annonce de «Nous finirons ensemble»
C'est Max qui vous ressemble le plus?
Oui. Dans le côté bourru et solitaire mais qui a besoin des autres. Je suis comme ça: je suis très solitaire mais j'ai besoin d'être aimé. Comme beaucoup d'artistes.
Marie, le personnage joué par Marion Cotillard, est devenue assez détestable dans «Nous finirons ensemble», n'est-ce pas?
Je ne trouve pas Marie détestable. C'est une femme paumée. Elle a un problème avec l'alcool, n'assume pas son rôle de mère et surtout est en pleine désillusion face au monde qui nous entoure. Dans le premier film, elle était très branchée environnement et tribus. Aujourd'hui, elle pense qu'on va droit dans le mur. Elle est très négative.
Il y a un côté «Les bronzés» dans «Les petits mouchoirs», avec une bande de potes, deux volets... Et pourquoi pas un troisième...
Non, parce que si c'était le cas j'aurais fait la suite l'année d'après. Mais je prends très bien cette comparaison, je suis hyperfan des «Bronzés». Et quand «Les bronzés font du ski» est passé à la télé récemment mon fils de 7 ans était hilare, ça traverse les générations. J'ai grandi avec ces films comme avec ceux d'Yves Robert, «Un éléphant ça trompe énormément» et «Nous irons tous au paradis», et ils ont été une grande inspiration pour moi. Mais je n'ai pas fait ça dans l'idée de faire une suite. Est-ce qu'on va faire un troisième volet? Je n'en sais rien. Je ne pense pas. Il faut avant tout avoir quelque chose à dire, mettre du soi dans son art pour que les gens peuvent s'y identifier. Quand je fais des films, ils sont en parfait accord avec ce que je vis.