SuisseHassan Rohani en visite dans un contexte tendu
Le président iranien a démarré une tournée diplomatique visant à s'assurer du soutien auprès d'un maximum de pays européens.
Le président iranien Hassan Rohani est attendu lundi et mardi en Suisse pour une visite officielle. Avec la reprise des sanctions américaines contre Téhéran, il cherche avant tout du soutien auprès d'un maximum de pays européens. Cette visite ne devrait toutefois pas calmer les inquiétudes des entreprises suisses actives en Iran.
Au-delà d'un retour de politesse - Johann Schneider-Ammann, alors président de la Confédération, avait lancé l'invitation à son homologue iranien lors de sa propre visite en 2016 -, la venue du président iranien revêt d'abord un aspect hautement symbolique.
«L'Iran a de très bonnes relations avec la Suisse et veut le confirmer», explique Mohammad-Reza Djalili, professeur émérite à l'Institut des Hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève.
En se rendant en Suisse puis en Autriche, M. Rohani montre aussi son attachement à l'accord sur le programme nucléaire iranien, négocié en Suisse et signé à Vienne en juillet 2015, souligne-t-il dans un entretien à Keystone-ATS. Depuis l'annonce, le 8 mai, du retrait américain de cet accord, l'Iran effectue un véritable marathon diplomatique pour sauver le texte.
«Colmater les brèches»
Pour le gouvernement iranien, «très fragilisé à l'intérieur», il s'agit de «colmater les brèches» avec les autres pays occidentaux avant l'application prochaine des sanctions américaines, explique M. Djalili, lui-même d'origine iranienne.
En effet, l'Iran a un besoin urgent de reprise économique, rappelle Philippe Welti, ancien ambassadeur suisse à Téhéran (2004-2008) et fondateur de la Chambre économique Suisse-Iran. «Le pays veut pour cela améliorer massivement ses infrastructures, réduire sa dépendance aux exportations pétrolières, mais aussi diversifier et moderniser son industrie.»
Le secteur automobile iranien est emblématique, selon le diplomate: «Tout le monde en Iran a une voiture, mais elles ne sont pas du tout à jour en termes de technologie moderne.» D'où un besoin énorme d'importer des composantes de haute technologie pour mettre à jour et relancer cette industrie et, par conséquent, créer des emplois et apaiser certaines tensions intérieures.
Réduire la voilure ou partir
Pour les entreprises suisses qui exportent vers l'Iran, l'inquiétude est grande, souligne M. Welti. Comme leurs consœurs européennes, elles ont déjà réagi: un nombre croissant d'entre elles vont probablement effectuer les dernières livraisons, mais ne s'engageront pas pour de nouvelles commandes. Ou alors elles renoncent d'ores et déjà à des contrats avec l'Iran, selon lui.
C'est encore plus compliqué pour les entreprises qui ont des sites de production sur place: elles doivent tenter de négocier avec les Etats-Unis. Mais elles se verront contraintes soit de réduire la voilure, soit se retirer si elles ne trouvent pas de solution, estime M. Welti.
Différence de conception
Les discussions bilatérales entre le président iranien et les représentants helvétiques ne permettront vraisemblablement pas d'ouvrir beaucoup de portes dans ce dossier. Selon M. Welti, Téhéran cherchera à voir ce que la Suisse peut faire pour maintenir les entreprises suisses dans le commerce avec l'Iran. Mais l'Iran comprend aussi la position de la Suisse, qui ne peut pas agir seule en faisant fi de ses relations internationales.
Il y a une différence fondamentale dans l'organisation économique des deux pays, explique l'ancien ambassadeur. Alors qu'en Iran, l'économie est dominée par des entités étatiques, «le Conseil fédéral devra à nouveau expliquer pourquoi il ne peut dire aux entreprises ce qu'elles doivent faire», explique-t-il.
Accès barré au marché américain
En mai, les Etats-Unis ont averti que les compagnies étrangères qui feraient des affaires avec la République islamique verraient les sanctions s'appliquer «immédiatement» pour les nouveaux contrats.
Les entreprises, notamment étrangères, déjà engagées en Iran auront entre trois et six mois pour en «sortir» avant d'être frappées à leur tour par les mesures punitives leur barrant l'accès aux marchés américains.