FootballHommage à Gilbert Facchinetti
Président emblématique de NE Xamax de 1979 à 2003, Gilbert Facchinetti s'est éteint dans la nuit de jeudi à vendredi, à l'âge de 82 ans. C'est un grand Monsieur du foot suisse qui s'en va.
- par
- Renaud Tschoumy
«Moi c'est Gilbert, hein?» C'était comme ça, avec lui. Le «Facchi», ou le «Benz», ou encore le «Louis», pour certains intimes. Gilbert Facchinetti, c'était celui qui se penchait sur ton épaule pour venir te piquer le dernier bout de gras de jambon dans ton assiette. C'était celui qui souhaitait toujours «que le meilleur gagne», mais évidemment «pourvu que ce soit nous». Gilbert Facchinetti, c'était la passion à l'état pur. Et c'est une vie entière dédiée à Neuchâtel Xamax, «son» Xamax, qui s'est arrêtée dans la nuit de jeudi à vendredi à l'âge de 82 ans.
Boucher de formation, il avait, dans sa jeunesse, été contraint d'intégrer l'entreprise de génie civil familiale - ce qui avait fait capoter son transfert de Servette à la Genoa. «Je suis passé du bifteck au caillou», aimait-il à répéter. Mais il est surtout passé au ballon rond.
Ancien joueur, il devenait directeur sportif, puis président de Xamax, dès 1979. Il connaissait tous les secteurs d'une équipe de foot de haut niveau, ce qui lui faisait dire qu'«à moi, on ne peut pas me la faire». C'était l'époque des grands chantiers routiers dans le canton de Neuchâtel, l'entreprise Facchinetti SA était florissante et le club de football suivait la même courbe ascendante.
Nuits européennes magiques
En 1981, première épopée européenne. Elle sera suivie par tant d'autres, autant de nuits magiques dans une Maladière pleine comme un oeuf, et dont la contenance a été portée à 25'000 spectateurs pour la venue du grand Real Madrid, en mars 1986. Après le match, pendant que l'entraîneur Gilbert Gress pestait contre son homologue du Real Luis Molowny et l'arbitrage tendancieux du sieur Petrovic au match aller, Gilbert Facchinetti pleurait de joie et s'enthousiasmait comme un gosse en contemplant «un merveilleux stade comme le nôtre».
Un an auparavant, «Facchi» avait fait fort en annonçant en l'espace de quelques jours les transferts de l'Allemand Uli Stielike, qu'il était allé débaucher au Real Madrid, puis du meilleur (et plus cher) joueur suisse de l'époque, Heinz Hermann. Le petit Xamax était devenu grand, grâce à son président qui dépensait sans compter. Un investissement récompensé par deux titres de champion de Suisse, en 1987 et 1988.«J'ai dépensé tout ce que j'ai pu, en tout cas beaucoup plus que ce que j'avais prévu», dira-t-il plus tard.
Il a surtout donné de lui-même tout au long d'une vie qui n'aura pas été un long fleuve tranquille pour lui - il a enterré trois de ses cinq enfants, ses trois filles. En 2003, il devait passer la main. Parce que le monde du foot avait changé et qu'on ne dirigeait plus un club comme une vingtaine d'années auparavant. Il assistait à une première relégation en 2006, immédiatement suivie d'une promotion dans la nouvelle Maladière tout juste inaugurée. Il était ensuite le témoin incrédule de la descente aux enfers de Xamax entre 2011 et 2012, lors du triste épisode Chagaev - il en sera profondément affecté. Mais il était le premier à monter aux barricades au lendemain de la faillite pour que Xamax renaisse de ses cendres.
Il n'était plus un dirigeant actif, mais il tenait à son titre de président central: «Je le resterai jusqu'à ma mort.» Ce moment est arrivé. Le «Facchi» s'en est allé. Même s'il ne pouvait plus venir au match depuis plusieurs mois, c'est un grand vide qu'il laisse à la Maladière. Un vide que l'Espace ou la Fondation qui portent son nom ne pourront jamais combler. Adieu Gilbert.