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Drame de Neirivue (FR)Il a échappé au tueur de son père

Le locataire meurtrier avait tiré avec un fusil de chasse sur son propriétaire. Témoin de la scène, le fils de la victime assistera mardi au procès du tireur.

par
Anne-Florence Pasquier
C'est dans cet immeuble de Neirivue que s'est déroulé le drame, le 5 décembre 2011, qui a coûté la vie au propriétaire.

C'est dans cet immeuble de Neirivue que s'est déroulé le drame, le 5 décembre 2011, qui a coûté la vie au propriétaire.

Laurent de Senarclens

Une image que J. S., 21 ans, n'oubliera jamais. Son père gisant au sol, la mâchoire broyée par une balle de plomb et blessé au cou, basculant en quelques minutes de la vie à la mort. Tétanisé par la crainte que le tueur fou s'en prenne à lui, le jeune homme a pourtant tenté, impuissant, de sauver son père, appuyant sur la profonde plaie ensanglantée. Cette terrible scène ne manquera pas de ressurgir au cours du procès de P.-A. M. qui débutera mardi prochain au Tribunal de La Gruyère, à Bulle (FR). Le prévenu, appelé à comparaître, est accusé de meurtre, de mise en danger de la vie d'autrui, contravention à la loi fédérale sur les armes et à la loi fédérale sur les stupéfiants.

Les faits remontent au 5 décembre 2011. C'est en début de ce samedi après-midi qu'une dispute éclate entre la future victime, un propriétaire d'immeuble et brocanteur alors âgé de 69 ans, son fils J. S. de 19 ans et le locataire P.-A. M., 47 ans. Ce dernier voulait quitter le village de Neirivue fin décembre pour s'installer chez des amis au Pays-d'Enhaut. Mais son bail a été résilié plus tôt. Depuis l'automne déjà, le propriétaire souhaitait l'expulser de l'appartement. P.-A. M. aurait d'ailleurs confié, début décembre, à un couple d'amis que le bailleur et son fils le harcelaient et lui avaient coupé Internet et l'électricité.

Pour un poste de télé

La tension entre les voisins de palier a alors atteint son paroxysme pour un simple détail: un récepteur TV. «Nous avons frappé à sa porte afin de récupérer l'appareil, a déclaré le fils lors de l'enquête. Il nous a laissés rentrer, puis est devenu comme fou.» Ainsi, à peine le père avait-il récupéré le récepteur que le locataire a vociféré: «Tu vas voir, tu vas crever.» «Mon client a dit à son père de courir vers leur appartement pour se protéger, il pressentait que P.-A. M. allait chercher une arme», explique Me Alexa Landert, avocate de J. S. et de son frère, âgé de 14 ans. Ce dernier, qui a également assisté à la scène, avait appelé les secours. L'agresseur les tient en joue depuis le corridor avec un fusil de chasse, arme acquise sans contrat ni permis. J. S. aperçoit alors le bout du canon avant que son père ne ferme la porte pour se protéger. Mais le coup part. «Par chance, mon client se tenait derrière le mur, il n'a pas été blessé, mais craignait que le tueur ne revienne à la charge», ajoute l'avocate. L'accusé risque au moins 5 ans de prison, mais la mise en danger du fils pourrait aggraver la peine. Surtout, P.-A. M. a déjà tué. Le 1er mai 1995, il abat à coups de pied et de poing l'amant de sa femme dans une villa à Coppet (VD), et purge 5 ans et demi de prison. En 2010, il rencontre le brocanteur, travaille pour lui avant que ce dernier lui propose de l'héberger dans son immeuble. Souffrant d'alcoolisme, P.-A. M. est au bénéfice de l'aide sociale. Fait troublant, l'ex-femme du prévenu est aussi l'ex-femme de la victime. «Elle n'a rien à avoir dans cette affaire, c'est un hasard, elle n'était pas la raison des tensions», explique Me Sébastien Pedroli, avocat du prévenu.

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