Big Brother«Il faut éviter certains mots»
Les Américains ne rigolent pas avec le vocabulaire guerrier qui circule par voie électronique. Certains termes peuvent coûter cher. Des spécialistes prodiguent leurs conseils.
- par
- Didier Tischler

Stéphane Koch, spécialiste du numérique, conseille d'éviter dans les e-mails des termes en rapport avec des activités criminelles.
«Ce monsieur n'a vraiment pas eu de chance.» Pour Jean-Marc Rickli, professeur en sécurité internationale, la mésaventure survenue à un jeune Romand qui n'a pu entrer aux États-Unis («Le Matin Dimanche» d'hier) est assez exceptionnelle. Son crime? Avoir plaisanté avec un ami critique envers les États-Unis par courriels interposés en utilisant notamment les mots «avion» et «exploser». Les services secrets étasuniens auraient intercepté ces écrits et refoulé le jeune homme.
«La loi américaine leur permet de lire tous les documents stockés sur les serveurs dans leur pays, poursuit-il. La combinaison de certains mots-clés peut dès lors déclencher une procédure qui peut aboutir à l'interpellation d'un individu bien que ce soit relativement rare. Ces techniques cependant sont abondamment utilisées dans l'intelligence économique et visent à avoir accès à des informations clés dans le domaine du renseignement économique.»
Pour le spécialiste, le meilleur moyen d'éviter ce genre de mésaventure est de choisir des serveurs hors États-Unis où les problèmes de confidentialité sont moindres. «Mais il faut quand même savoir que, dès qu'on a une signature numérique, on devient vulnérable», ajoute Jean-Marc Rickli.
Stéphane Koch, autre spécialiste du numérique, met en garde les utilisateurs des réseaux sociaux. «Il faut être prudent lorsque l'on s'exprime et éviter d'utiliser des mots en rapport avec des activités criminelles, précise-t-il. Surtout qu'il est difficile d'éviter de transiter par Facebook, Google ou Twitter, qui sont tous américains!» Stéphane Koch rappelle aussi que la surveillance est quand même assez aléatoire compte tenu du nombre extraordinaire de mails qui circulent chaque jour dans le monde. «Il ne faut pas tomber non plus dans la parano», nuance-t-il.
Un avis que partage également un agent du renseignement militaire, qui tient à garder l'anonymat. «Les Américains écoutent tout mais cela reste de la théorie, explique-t-il. Il y a des milliards de mails qui circulent chaque jour dans le monde, dont une bonne partie est filtrée. Mais il est impossible humainement et techniquement de tout contrôler.»
Pas que les États-Unis
N'empêche. Sur sa page Facebook, l'avocat Sébastien Fanti explique travailler sur un avis de droit consacré à la question. Il affirme que les États-Unis ne sont pas les seuls à pratiquer ce type d'espionnage. «Des pays comme la France ou la Grande-Bretagne appliquent exactement la même politique, dit-il. De sorte que tout ce que vous publiez, «mailez» ou diffusez sera scruté et disséqué.» Comme quoi, rien ne vaut une bonne discussion entre quatre yeux.