Football: «Il se passe quelque chose sur le terrain. Quoi, par contre…»

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Football«Il se passe quelque chose sur le terrain. Quoi, par contre…»

Exercice singulier pour le journaliste de la RTS Frédéric Scola aux commentaires de CSKA Sofia – Young Boys. La partie s’est déroulée sous un brouillard épais que les caméras n’ont pu percer. Il raconte la galère.

Florian Vaney
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Florian Vaney
Le visibilité lorsque Jean-Pierre Nsamé a inscrit le seul but du match,
Le visibilité lorsque Jean-Pierre Nsamé a inscrit le seul but du match,RTS

Frédéric Scola, si on vous demande une analyse détaillée du placement défensif de Silvan Hefti jeudi soir...

…comment dire? (rires) Jusqu'à la demi-heure, c’était jouable, on voyait encore quelque chose. Ensuite, tout est devenu blanc... Dans la mesure où notre travail, c'est de parler de ce qu'on voit, de faire vivre ce qu'on peut observer sur le terrain, c'est assez embêtant.

Un grand moment de solitude à l'antenne?

Pas forcément, en fait. En tout cas, je ne l'ai pas pris comme ça. Il s'agissait plutôt, disons, d'une expérience à la frontière du réel. Je n'avais jamais vécu ça. Même lors des JO d'hiver que j'ai pu couvrir. Mes collègues m'ont depuis parlé des Jeux de Nagano, de Pierre Fulla et du sketch que ça avait inspiré aux Guignols de l'info. Je me suis senti un peu moins seul.

Au vu de la qualité des images, vous vous en sortez plutôt bien sur le but de Jean-Pierre Nsamé.

Je ne sais plus exactement ce que j'ai dit. Il y avait pas mal de supposition. Je me basais beaucoup sur les positions initiales des joueurs sur le terrain. Sinon, j'essayais de distinguer ce qui était distinguable à travers le brouillard. Et puis, le but est tombé à la 34e. Ça aurait sûrement été plus compliqué dix minutes plus tard.

Vous vous étiez préparé à meubler?

Pas spécialement. Maintenant, j'étais au courant de ce qu'il s'était passé à l'aller, que l'affaire pourrait être pliée après vingt minutes et qu'il faudrait alimenter le commentaire jusqu'à la fin. J'avais préparé quelques anecdotes, des choses comme ça. Mais c'était compliqué d'en avoir énormément en stock, dans la mesure où les joueurs sur le terrain n'étaient pas les plus connus.

Dans quel état d'esprit vous trouviez-vous durant le match?

Mis à part les dernières minutes de la première mi-temps, le temps ne m'a pas forcément paru plus long que d'habitude. D'un côté, la situation me faisait beaucoup rire. D'ailleurs, je n'ai pas cherché à le masquer. De l'autre, je voulais éviter de sortir les téléspectateurs de leur match. Ils étaient là pour voir du foot, suivre Young Boys, il fallait qu'ils trouvent un minimum leur compte.

On vous a entendu prononcer la phrase: Il se passe quelque chose sur le terrain. Quoi, par contre...

Ah mais plus d'une fois même! Encore une fois, je tentais de commenter ce que je voyais. D'ailleurs, un peu par dépit, j'ai tapé Football dans le brouillard sur google à la mi-temps. Je suis tombé sur l'histoire de ce gardien, lors d'un Chelsea-Charlton, qui était resté sur le terrain plusieurs minutes après le coup de sifflet final parce qu'il ne savait pas que le match était terminé. J'en ai profité pour la raconter à l'antenne. C'était toujours cinq minutes de gagnées.

Vous n'avez pas reçu trop de réactions virulentes?

Non, au contraire. Je crois que les gens ont compris la situation. Les messages que j'ai reçus, c'était surtout pour me témoigner de la compassion.

La rencontre a été filmée depuis le bord du terrain à partir de la pause.

Les images étaient toutes aussi brouillonnes, mais elles avaient le mérite d'être visibles. À vrai dire, c'était une expérience intéressantes de changer d'angle de vue. De se rappeler que, en tant que journalistes, on n'a qu'une vision du match, qui vaut ce qu'elle vaut. Un coach au bord du terrain aura vu les choses différemment. Un joueur dans le cœur du jeu aura encore une autre version.

Vous dites ça avec du recul et après une bonne nuit de sommeil, non?

Absolument (rires). Je ne me trouvais pas dans le même état d'esprit durant le commentaire. D'ailleurs, j'ai le souvenir d'une occasion de Christian Fassnacht. J'avais l'impression qu'il était dans l'impasse, cerné par trois défenseurs, et ça s'est transformé en immense chance de but pour YB. Comme quoi, la vue du haut n'est pas si mal.

Vous êtes prêt à retenter l'expérience?

Plutôt non. Une fois, ça suffit (rires). Je range ça dans ma liste de souvenirs mémorables. Ce match, je ne risque pas de l'oublier.

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