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PolitiqueIls leur donnent du «Ma petite dame»

Il n'y a pas que les députés français à se faire remarquer pour la démonstration de leur supériorité virile. Des élues suisse racontent le machisme ordinaire qui sévit à Berne.

Cléa Favre
par
Cléa Favre
Remarques sexistes ou d'un goût douteux. Les parlementaires femmes à Berne ne sont pas épargnées.

Remarques sexistes ou d'un goût douteux. Les parlementaires femmes à Berne ne sont pas épargnées.

Keystone

La semaine dernière, lorsqu'une députée s'exprimait à l'Assemblée nationale, l'un de ses collègues masculins a jugé opportun d'imiter le caquètement d'une poule. Une attitude sexiste qui a provoqué un tollé. Le Parlement suisse n'est pas en reste, même si le machisme prend des formes différentes.

Les femmes politiques s'accordent sur le fait que le sexisme à Berne est «beaucoup plus feutré et insidieux», selon les termes de Cesla Amarelle (PS/VD). Il n'empêche, il existe bel et bien. Et beaucoup en ont déjà fait les frais. «On est loin de l'égalité», commente Ada Marra (PS/VD). «Lors des débats, on vous dit, et je l'ai vécu moi-même: «Vous n'y comprenez rien, Madame!» Jamais on ne s'adresserait à un homme de cette façon. Cette attitude paternaliste s'ajoute à des tentatives d'intimidation avant les débats. Vos opposants vous mettent la pression, en s'imposant physiquement, en faisant leur grosse voix et en vous disant des saloperies.» La conseillère nationale a donc maintenant une stratégie: «Je ne parle jamais avec mon adversaire avant les débats.»

Des regards condescendants

Isabelle Chevalley (Vert'libéraux/VD) dit avoir subi le sexisme en début de carrière surtout. «Des regards condescendants, on vous observe de haut en bas, on vous appelle «Ma petite dame». Dix ans plus tard, la situation s'est améliorée à ses yeux, notamment parce qu'elle a fait ses preuves. Cependant, elle relève que «le lendemain d'un «Infrarouge», mes collègues parleront neuf fois sur dix de mon maquillage et de mes habits».

Elles sont nombreuses aussi à évoquer des élus «un peu lourds», distillant blagues et remarques douteuses, voire leur faisant carrément des avances. «J'éconduis gentiment. Nous sommes souvent ensemble, je ne pense pas que ce soit lié à la politique de manière spécifique», précise Isabelle Morel (PLR/VD). Pourtant, peu se risquent à donner des détails. «C'est un sujet tabou. En tant que politicienne, il est difficile de se coller une image de victime», explique Cesla Amarelle. «Le monde politique est dur. On a tendance à se dire que cela fait partie du job.»

Autre aspect sur lequel les femmes parlementaires sont d'accord: le climat de suspicion quant aux compétences d'une élue arrivant à Berne. «Les femmes, qui représentent moins de 30% du Conseil national, vont être davantage observées. On va se demander si elles connaissent leurs dossiers», réagit Christine Bulliard-Marbach (PDC/FR). Rien de surprenant à ce climat pour Delphine Gardey, directrice des études genre à l'Université de Genève. «La Suisse s'est constituée très tôt en république, mais elle a accordé très tard le droit de vote aux femmes. La politique a été structurée par les hommes et demeure masculine. L'engagement politique a été pendant longtemps un espace excluant les femmes. C'est toute une culture qui tient les murs!» Néanmoins, pour elle, il faut croire en la possibilité de transformer les institutions, sans s'étonner qu'elles résistent.

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