Crash«Ils sont morts dans mon champ»
Tout le village de Tatroz (FR) est sous le choc après l'accident qui a coûté la vie à six?personnes samedi. Parmi elles, un couple du village qui laisse trois orphelins derrière lui.
- par
- Laurent Grabet

Comme tous les habitants de Tatroz (FR), Anita Savoy est très émue et sous le choc. Le Piper monomoteur s'est écrasé à deux pas de sa ferme.
C'est l'un des crashes les plus graves de ces dernières années. Samedi, vers 15?h, dans un champ de Tatroz (FR), six vies ont pris fin dans un «grand boum». «On aurait dit comme un énorme pneu qui explose», raconte un ado de ce village de 300 âmes de la commune d'Attalens, dans la Veveyse. Un autre ado a vécu la scène en direct. Hier, il est revenu au bord du trou creusé dans la terre par l'impact, comme pour exorciser sa peine. Il se souvient d'avoir vu le Piper monomoteur survoler le village par deux fois. Les cinq passagers, de la même famille, tenaient en effet à saluer leurs proches qui les observaient depuis leur terrasse et étaient même en contact téléphonique avec eux. Puis l'appareil a commencé à perdre le contrôle, avant de piquer du nez presque à la verticale, d'après l'ado, peu après avoir évité des maisons de justesse. «Au dernier moment, le moteur a fait un bruit d'enfer, comme si le pilote mettait les gaz pour redresser, mais il s'est écrasé et a rebondi avant de s'arrêter, raconte-t-il. Quand je me suis approché, il y avait une odeur de kérosène. D'autres personnes étaient déjà là et m'ont dit qu'il n'y avait aucun survivant.»
Tout un village sous le choc Si Anita Savoy, 65?ans, n'est pas près d'oublier ce drame, ce n'est pas parce que celui-ci s'est déroulé à deux pas de sa ferme, dans son champ, mais parce que, comme tous ici, elle connaissait deux des victimes. Laurent et Nicole E., un couple de trentenaires qui étaient très appréciés au village. Lui était banquier au Credit Suisse de Genève et fils d'un entrepreneur du village. Elle, maman au foyer. Le couple laisse derrière lui deux garçons de 6 et 12?ans et une fillette de 10?ans. «Nicole se promenait souvent dans le coin avec eux. Des gens super! Pauvres gosses, se retrouver orphelins comme ça d'une seconde à l'autre!»
Le vol avait été organisé pour les 60?ans du père de Nicole. Dans l'avion, il était donc accompagné de sa fille et de son gendre, mais aussi de son fils et de sa compagne. Ils avaient décollé de la Blécherette, à Lausanne, 30?minutes plus tôt à destination d'Ecuvillens.
«Pour moi, c'est un vent rabattant qui a brusquement fait perdre de l'altitude à l'avion ou alors il n'allait pas assez vite et a décroché, avance un pilote amateur venu sur les lieux du drame pour essayer de comprendre. En tous les cas, ils n'ont pas senti la mort, c'est sûr, ils ont eu une petite angoisse d'une seconde, et puis ça a été fini.» Le Vaudois qui était aux commandes avait une licence en règle, précise l'enquêteur en charge du dossier au Service d'enquête suisse sur les accidents. Pour lui, l'origine pourrait être aussi bien météorologique que médicale ou mécanique. «Il faudra peut-être un an pour savoir ce qui s'est vraiment passé», assène le spécialiste. La faute aux rafales de vent?
Pour les curieux ou voisins venus se recueillir sur les lieux hier et parfois y déposer des fleurs, le fœhn en rafales qui sévissait l'après-midi du drame est en cause. «Il y a souvent des petits avions qui passent par ici, mais un vent pareil, c'est très rare, rappelle une vieille dame. Que Laurent et Nicole soient morts comme ça dans leur propre village, ça nous fait très mal.» Chez les parents de Laurent E., toute la famille se serre les coudes autour d'un prêtre venu les soutenir. «C'est difficile!» nous confiera peu après la maman de Laurent. Dans son jardin, le drapeau suisse a été mis en berne.