AnimauxIls veulent sauver la peau de l'ours
Un collier émetteur a été placé sur «M13», qui se balade en Engadine (GR). But de l'opération: surveiller ses déplacements et, ainsi, éviter de l'abattre. Mais certains villageois ont peur.
- par
- Sandra Imsand
«C'est une belle bête en pleine santé! 120 kilos à 2?ans et demi: on peut dire qu'il ne meurt pas de faim!» Reinhard Schnidrig, chef de la section chasse, faune sauvage et biodiversité en forêt du Département fédéral de l'environnement est très heureux que «M13», l'ours qui traîne depuis une semaine dans les Grisons, ait été équipé d'un collier émetteur (voir ci-contre). «Maintenant, nous allons pouvoir nous mettre à table avec le canton et les communes pour mettre en application toute une série de mesures.»
Pour lui, la seule condition pour que l'ours puisse rester dans la région, c'est que la population soit prête à jouer le jeu. «Les ours apprennent très vite où trouver à manger. Il est important que les villageois de la région ne lui mettent pas de nourriture à disposition.» Il conseille par exemple de ne pas déposer de déchets organiques dans les jardins. Et d'installer des clôtures électrifiées.
«En théorie, on sait quoi faire»
Une mesure qu'a déjà prise Karl Andersag, paysan à Vulpera-Tarasp. «M13» est venu à deux reprises visiter ses ruches, causant des dégâts considérables. «La première fois, ce n'était pas trop grave. Il est ensuite revenu deux nuits plus tard. Il a décimé ma population d'abeilles et cassé six ruches.» Pourtant, le Grison de 62?ans aimerait tout faire pour éviter que l'animal soit abattu. «Il avait faim, c'est la nature. Je trouve ça normal.»
S'il aimerait bien voir l'animal de ses propres yeux, Karl Andersag comprend que certains de ses voisins aient peur de croiser cette impressionnante bestiole. «Certains n'osent plus sortir à pied le soir tombé. C'est légitime. En théorie, on sait très bien comment se comporter face à un ours. Mais ça, c'est sur le papier…» Gérante de l'Hôtel Villa Maria situé à un jet de pierre de là, Martina Jaeger fait partie de ces gens qui ont renoncé aux balades au crépuscule «Je ne suis pas vraiment rassurée. Je ne sais pas comment il réagirait si je me retrouvais face à lui», confie la Grisonne de 38?ans.
Pourtant, jusqu'à présent, «M13» n'a pas du tout fait preuve d'un comportement agressif. «C'est un jeune, il est curieux, c'est tout!» explique Curdin Florineth, garde-chasse. Le résident de Ftan a aperçu «M13» lundi dernier de loin, dans la forêt. «C'est une bête magnifique, j'ai eu de la chance.»
Un capital sympathie énorme
Pourtant, il faut se garder d'assimiler le plantigrade à un gentil nounours. Même si son capital sympathie est plutôt grand auprès de la population. «C'est une très mauvaise idée de créer un contact avec un ours», explique Roland Bulliard, directeur du Zoo de Servion. Le Vaudois estime que si le plantigrade vient s'installer de manière permanente dans le pays, il faudra préparer la population. «L'ours a une image de vrai gentil, contrairement au loup. Pourtant, il n'y a aucune mention d'une attaque d'un homme par un loup, alors que l'ours peut s'en prendre aux humains.»
De plus, s'il s'habitue à vivre près de l'homme, «M13» risque bien de subir le même sort de «JJ3». Cet ours avait dû être abattu en avril 2008 dans le canton des Grisons. Un souvenir encore douloureux pour Curdin Florineth. «C'est toujours terrible de devoir tuer une bête en bonne santé.» Pourtant, Reinhard Schnidrig, du Département fédéral de l'environnement, est persuadé d'avoir pris la bonne décision pour «JJ3». «Il avait été habitué par sa mère à venir tout près des habitations. Il a chapardé des gâteaux sur les rebords des fenêtres, s'est aventuré en plein village.»
Pour l'instant, «M13» a été classé dans la catégorie «ours problématique», selon la typologie établie dans le plan de gestion de l'animal par la confédération. Or, si l'animal n'est plus effarouché par les hommes, il sera considéré comme «ours à risques» et devra automatiquement être abattu. «Mais j'ai bon espoir qu'en prenant des mesures suffisamment tôt, on ne prenne pas le même chemin qu'il y a quatre ans», conclut Reinhard Schnidrig.