Tennis: «Insultes et menaces après chaque match»

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Tennis«Insultes et menaces après chaque match»

À l'image de Timea Bacsinszky la nuit dernière, les joueurs de tennis sont constamment insultés sur les réseaux sociaux. La cause? La folie des parieurs compulsifs.

Mathieu Aeschmann
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Mathieu Aeschmann
L'Américaine Madison Keys a pris le parti de combattre un phénomène pas assez pris au sérieux par les géants du web

L'Américaine Madison Keys a pris le parti de combattre un phénomène pas assez pris au sérieux par les géants du web

AFP

Pour une défaite encourageante face à Monica Puig à New Haven, Timea Bacsinszky s'est donc vue souhaiter une vie d'infirmité; avec une petite insulte en guise de ponctuation. Cet élan de haine est évidemment choquant mais pas autant que le constat qui l'accompagne: il n'y a rien de plus courant dans l'univers du tennis professionnel. «Les insultes, les menaces de mort, c'est après chaque match, insistait par exemple la légende du double Bob Bryan lors du dernier Masters. Si je vais vérifier mes comptes maintenant, j'y trouverai des dizaines de parieurs furieux et agressifs.»

Conjonction de deux phénomènes de société, le mal est archiconnu. Avec les essors combinés des réseaux sociaux et des sites de paris sportifs, les joueurs de tennis sont devenus les réceptacles d'une haine bon marché, sans visage ni limite. «Je suis dévasté d'avoir perdu hier, écrivait Kevin Anderson (ATP 5) après sa défaite au premier tour de Wimbledon 2016. Mais au moins les tonnes de menaces de mort reçues sur mon Facebook et mon Twitter m'aident à me sentir mieux dans ma peau.» Cet épisode relève du cas d'école. Favori face à Denis Istomin, le Sud-Africain faisait alors figure de «placement fiable»; sa défaite a donc fait perdre argent et raison à quelques parasites de la Toile.

Le profil «idéal»

Comment expliquer que le tennis se retrouve en première ligne du harcèlement numérique? Déjà le nombre de matches proposés au quotidien et leur longueur multiplient l'offre, ce qui fait des circuits WTA et ATP un eldorado des parieurs. Ensuite la nature individuelle de la discipline concentre toutes les pulsions vengeresses sur un individu. Son profil «idéal»? Plutôt des jeunes femmes, connues mais pas superstars et appartenant à une minorité. Madison Keys et Heather Watson correspondent à ce profil et ont dû apprendre à vivre avec cette persécution quasi-quotidienne.

«Après une défaite mortifiante, je suis tellement en colère contre moi-même que j'ai presque envie de me punir, confiait la Britannique il y a deux ans à Wimbledon. Alors je vais simplement sur mon compte Twitter et j'en prends plein la tête.» Cet aveu démontre à quel point ces dérives peuvent faire du mal chez un sujet déjà fragile. En 2013, la Canadienne Rebecca Marino – ex-38 WTA – a dû ainsi mettre sa carrière entre parenthèses pour cause de dépression, amplifiée par les abus subis sur les réseaux sociaux (elle a repris la compétition en 2018).

Madison Keys, elle, a pris le parti de combattre un phénomène pas assez pris au sérieux par les géants du web - «Une fois sur deux, je signale l'abus et rien ne se passe». La finaliste du dernier US Open, victime préférée des «haters» et des parieurs frustrés, est en effet devenue l'ambassadrice du programme FearlessyGIRL, qui sensibilise les lycéennes américaines sur les dangers du harcèlement numérique.

Faut-il se battre et dénoncer ces outrances, comme Madison Keys et Timea Bacsinszky lundi soir, ou au contraire les ignorer? Le monde du tennis n'a pas fini de se poser la question, tant les paris ne cessent de proliférer autour des courts.

Madison Keys avait dénoncé les insultes et les menaces qu'elle avait reçues en 2016 déjà:

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