Suisse-Portugal: «J'ai parcouru 1850 km en moins de 17 heures»

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Suisse-Portugal«J'ai parcouru 1850 km en moins de 17 heures»

Surnommée «route de la mort», la RCEA, en France, est redoutée par de nombreux Portugais qui rentrent au pays pour les vacances. Il y a un an, quatre d'entre eux avaient péri.

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Quatre ressortissants portugais ont été tués dimanche et une vingtaine blessés, dont trois très grièvement, dans un accident d'autocar sur une route réputée dangereuse du centre de la France. (Dimanche 8 janvier 2017)

Quatre ressortissants portugais ont été tués dimanche et une vingtaine blessés, dont trois très grièvement, dans un accident d'autocar sur une route réputée dangereuse du centre de la France. (Dimanche 8 janvier 2017)

AFP
Peu avant 4h30, près du viaduc de Charolles, en Saône-et-Loire (centre), le véhicule est tombé en contrebas de la route nationale 79, baptisée RCEA (Route Centre Europe et Atlantique) et surnommée la «route de la mort». (Dimanche 8 janvier 2017)

Peu avant 4h30, près du viaduc de Charolles, en Saône-et-Loire (centre), le véhicule est tombé en contrebas de la route nationale 79, baptisée RCEA (Route Centre Europe et Atlantique) et surnommée la «route de la mort». (Dimanche 8 janvier 2017)

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Un précédent bilan faisait état de cinq morts mais une personne a pu être ranimée par les services de secours, ont indiqué les autorités. (Dimanche 8 janvier 2017)

Un précédent bilan faisait état de cinq morts mais une personne a pu être ranimée par les services de secours, ont indiqué les autorités. (Dimanche 8 janvier 2017)

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Quand il emprunte la RCEA avec son camion pour se rendre à Berne, Jacky dit avoir peur. Cet axe très fréquenté a mauvaise réputation. Entre la Bourgogne et la côte Atlantique, elle a coûté la vie à de nombreux émigrés travaillant en Suisse sur la route des vacances. Il y a une année, quatre Portugais avaient perdu la vie en rentrant à Romont (FR) (voir galerie).

«Oui, j'ai peur, surtout la nuit», confie Jacky. Ce routier proche de la retraite emprunte depuis des années la RCEA. Il se confie à l'ats accoudé au comptoir du restaurant EurOscar. Un gigantesque relais routier situé à proximité de la ville bourguignonne de Paray-le-Monial.

Ce restaurant tourne à 100, voire 200 couverts par jour, et dispose d'un parking gigantesque. Les camionneurs s'y arrêtent pour y reprendre des forces. Jacky, lui, a quitté Nantes la veille et se rend à Berne.

La route Suisse-Océan

La Route Centre-Europe-Atlantique (RCEA), appelée aussi Suisse-Océan, est empruntée chaque jour par des milliers de camions qui traversent la France. Cet axe relie l'autoroute A6 qui descend vers le midi à l'A10 qui plonge sur Bordeaux en direction de l'Espagne et du Portugal.

Elle a un avantage : «elle n'a pas de péage», explique Ivan, un routier espagnol qui mange seul à une table du restaurant. «C'est pour ça que mon patron veut que nous l'empruntions», confie-t-il avant de remonter dans son semi-remorque en direction de Strasbourg.

Mais la RCEA a un gros inconvénient. Elle n'est pas surnommée «la route de la mort» pour rien. «Le tronçon entre Montluçon et Chalon-sur-Saône, qu'est-ce qu'il est dangereux !», soupire Ivan. Sur la RCEA, la moindre erreur ou une inattention peut être fatale. Un accident sur quatre est mortel. Entre 2008 et 2016, près de 120 personnes ont perdu la vie sur ce tronçon emprunté chaque jour par près de 15'000 véhicules, dont près de la moitié des poids lourds.

Une route pour les émigrés

A quelques kilomètres seulement du restaurant routier, un bus est sorti de route le 8 janvier dernier. Il ramenait vers Romont des émigrés portugais rentrés au pays pour passer les fêtes de fin d'année. Quatre sont morts sur le coup, beaucoup de passagers ont été grièvement blessés. Le véhicule aurait dérapé sur une plaque de glace. De nombreux émigrés ibériques traversent la France par cette route. Elle est la plus rapide pour rentrer au pays.

L'accident s'est produit moins d'une année après une autre tragédie. Le 24 mars 2016, douze Portugais domiciliés en Suisse ont perdu la vie quand leur minibus est sorti de route en pleine nuit dans l'Allier. Ils rentraient chez eux pour les vacances de Pâques. Un procès devrait avoir lieu cette année.

Des courses de vitesse

Certains émigrés font d'ailleurs la course sur la RCEA. «J'ai parcouru les 1850 km en moins de 17 heures pour rentrer chez moi», fanfaronne Francisco devant ses amis attablés au centre espagnol de Delémont. Une moyenne de près de 110 km/h malgré la limitation à 90 km/h de la RCEA.

«Faire 1850 kilomètres d'une traite avec à une vitesse record, je n'y vois pas l'intérêt», réplique le pompier Romain Compte, le chef de la caserne de Paray-le-Monial. «Quand on voit les drames que cela peut générer, c'est bien dommage», regrette ce pompier qui est intervenu sur l'accident de bus portugais.

Jacky confie avoir connu des frayeurs sur cette route. «Un jour, j'ai été obligé de freiner à fond pour éviter un camion qui doublait en face», se souvient-il.

Elargissement prévu

De nombreux tronçons de la RCEA sont à deux voies seulement. Même si une grosse ligne blanche empêche les automobilistes de doubler, certains perdent patience derrière un véhicule respectant la limite à 90 km/h. La monotonie du parcours accentue encore la fatigue des chauffeurs qui ont des centaines de kilomètres au compteur.

Les autorités ont pris des mesures pour que cette route passe à quatre voies dans les prochaines années. Des chantiers sont en cours pour son élargissement. Jacky aura pris sa retraite d'ici là. Mais il ne compte pas reprendre la RCEA quand il raccrochera. «J'emprunterai les autres routes pour revenir manger à l'EurOscar».

(ats)

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