Télévision«J'ai refusé la fausse barbe»
«Game of Thrones» a donné un nouvel éclat à la carrière de Peter Dinklage. Rencontre.
- par
- Henry Arnaud

Une maladie a stoppé la croissance de Peter Dinklage à 1,35m: «J'ai galéré pendant des années car je refusais de jouer le nain qui fait rire les autres.»
Dès qu'il a mis un pied dans le métier d'acteur, Peter Dinklage s'était fixé une ligne de conduite: refuser les rôles de clown de petite taille. Sa réussite dans «Game of Thrones» prouve qu'il a eu raison.
Celui qui aura 46 ans le 11 juin prochain est fier de son parcours. «Le Matin» l'a rencontré alors que les nouveaux épisodes de la série sont diffusés tous les lundis soir sur RTS Un.
Est-ce que votre succès est une revanche sur vos années difficiles?
Depuis que je suis entré dans la quarantaine, tout me semble plus simple. J'étais assez arrogant dans ma jeunesse car je refusais énormément de rôles pour ne pas avoir à jouer le nain d'un film. Je disais systématiquement non si l'on me proposait d'être un elfe du Père Noël… Un nain avec une fausse barbe et des chaussures pointues, très peu pour moi. Puis j'ai compris que je devais faire des concessions pour payer mes factures.
Quel a été le moment le plus difficile?
Je suis le seul «petit» de ma famille et j'avais souvent une colère en moi que j'avais du mal à extérioriser. Mais je n'ai pas eu une enfance malheureuse. Mes parents ont tout fait pour m'aider à m'accepter tel que je suis.
Vous avez combattu les préjugés contre les personnes de petite taille dans le showbiz. Qu'en est-il aujourd'hui?
Malheureusement, je ne crois pas que la situation a évolué. Si vous voulez du boulot comme acteur avec mon physique, il faut souvent être prêt à se ridiculiser. J'ai connu les galères pendant des années car je refusais de me laisser mettre plus bas que terre dans une publicité, par exemple, en jouant le nain qui fait rire les autres. Aujourd'hui, cela semble l'un des derniers bastions des comiques. On ne peut plus se moquer de beaucoup de choses sans risquer les critiques, mais un gag sur les nains, ça continue à faire marrer les foules. Pas moi!
Qu'est-ce qui devrait être fait pour changer les mentalités?
Ne me demandez pas d'être un porte-drapeau, cela ne m'a jamais intéressé. Je suis un comédien, pas un politicien. Je demande simplement aux gens de prendre conscience du mal que cela peut faire. Rien d'autre.
Pensez-vous que «Game of Thrones» change la vision d'une personne de petite taille?
Je me bats depuis le premier jour pour que Tyrion Lannister soit bien plus que le nain de l'histoire.
Les scénaristes ont-ils modifié les épisodes pour vous?
Je n'ai eu qu'une seule exigence: j'ai refusé de porter une fausse barbe ou des chaussures pointues de nain. J'avais gardé un mauvais souvenir du film «Narnia: Le prince Caspian», où j'ai passé près de sept mois à tourner avec une barbe rousse qui me faisait transpirer sous les projecteurs. J'ai adoré le film, mais j'ai appris à dire non aux barbes. (Rires.)
Tyrion en a pourtant une dans les épisodes de cette saison 5…
C'est différent. Me laisser pousser la barbe ne me pose pas de problème. Par contre, me faire coller tous les matins de faux poils qui touchent le sol, ça, c'est non!
Si on vous demande votre meilleur souvenir de la série, à quoi pensez-vous?
A la fin de la deuxième saison lorsque Tyrion est passé proche de la mort. Il s'en est sorti avec une énorme cicatrice sur le visage. Dans le livre de George R.R. Martin, mon personnage se fait couper le nez, mais cela aurait été trop complexe et trop cher à tourner. Il aurait fallu coller un pansement vert sur mon nez tous les jours puis utiliser des ordinateurs pour réaliser les effets spéciaux. Une belle balafre sur la joue résout tous les problèmes, même si certains fans des livres diront que nous avons changé l'histoire.
Sentez-vous la fin de Tyrion qui approche dans la série?
Dès le début de la saison 1, j'ai refusé de lire autre chose que le premier ouvrage de George R.R. Martin pour éviter d'avoir trop d'informations sur l'avenir de Tyrion, d'autant que la série a pris des libertés avec les livres. Les fans savent très bien ce qui attend mon personnage… mais je ne vais pas gâcher la surprise aux autres.
Vous êtes le premier à reconnaître que les scènes d'action de la série ne sont que de la fiction, pourquoi?
Chacun son job: le mien est de jouer la comédie, celui des cascadeurs est de savoir tomber ou réaliser des trucs d'action. C'est pour ça que je dis que les scènes d'action sont de la poudre aux yeux. Le meilleur exemple est celui de l'épisode où je coupe la jambe d'un homme par-derrière. Le monsieur qui a réalisé cette séquence avec moi était un gars charmant de 70 ans qui était amputé. Donc ma fausse épée a simplement fait tomber une jambe en bois! Vous parlez d'une cascade!
Vous arrive-t-il d'avoir du mal à oublier Tyrion à la fin d'une journée de tournage?
Vous voulez dire rentrer à la maison et me prendre pour Tyrion avec ma femme? Non, j'espère que cela n'arrivera jamais. (Rires.)On ne m'a jamais encore dit: «Arrête de te prendre pour Tyrion.» Il est bien plus intelligent que moi.
Vous vivez loin des médias avec votre épouse, la directrice de théâtre Erica Schmidt, et votre fille de 4 ans, Zelig. Est-ce important pour votre équilibre?
C'est capital car plus personne ne pourrait me voir dans la peau de Tyrion si je me montrais en train de faire du jardinage. Avec ma famille, nous avons éprouvé le besoin d'avoir de l'espace et nous avons quitté Manhattan pour vivre dans la nature, à plus d'une heure de New York.
De plus en plus de téléspectatrices vous trouvent sexy…
Je ne crois pas à ce genre de truc qui se veut très «politiquement correct». C'est bien joli tout ça, mais les mêmes femmes qui trouvent Tyrion très sexy sont les premières à choisir un gars d'un mètre 90.
Vous arrive-t-il d'avoir du mal à gérer votre succès?
Quand je participe à une convention et que j'ai des centaines de fans qui courent vers moi… je vous avoue que je crains pour ma sécurité. Si je suis en hauteur sur une scène, c'est plus facile à gérer.
Vous avez travaillé beaucoup plus souvent en Europe qu'aux Etats-Unis. Pourquoi?
La bière est bien meilleure à Londres qu'à New York. (Rires.) Je ne saurais pas l'expliquer, si ce n'est que les propositions qu'on me fait en Europe sont plus intéressantes qu'en Amérique probablement.