Football«Je me réjouis de revoir des visages connus»
Peter Zeidler évoque sa période valaisanne et tout ce qu'il aimé lors de son passage à Tourbillon. Avant des retrouvailles dominicales teintées d'émotions, le coach du FC Saint-Gall se confie.
- par
- Nicolas Jacquier ,
- Saint-Gall

D'autres que lui, à sa place, auraient sans doute abrégé le rendez-vous, ou l'auraient carrément annulé, sinon repoussé à de meilleurs jours. Mais pas Peter Zeidler. Homme de parole autant que de principes, le nouveau coach du FC Saint-Gall a tenu à respecter vendredi matin le rendez-vous qu'il nous avait spontanément fixé quelques jours plus tôt. La veille au soir pourtant, son équipe a été éliminée par le FC Sion, l'ancien club du technicien allemand. Cela n'empêche pas Zeidler de faire front et de se montrer disponible à l'heure de l'interview.
- Ça fait quoi d'avoir été sorti par le FC Sion, ce FC Sion que vous rêviez pourtant d'éliminer pour solder le passé?
C'est la défaite qui fait mal, pas d'avoir perdu contre Sion. Mais j'arrive à relativiser… Aller chercher la Coupe avec tous nos fans, c'était un objectif clairement exprimé. Sion a mérité sa victoire tout autant que Saint-Gall l'aurait pareillement mérité. Cela s'est joué à rien sur le but annulé de Buess. Il y a aussi ce penalty qui nous est refusé juste avant la fin. Or, ce ne pouvait qu'être penalty, on ne peut pas avoir un autre avis là-dessus. (...) Curieusement, je m'aperçois que le fait de perdre contre Sion atténue ma frustration. Je leur souhaite d'aller au bout, franchement.
- Et cela fait quoi de retrouver Tourbillon dimanche déjà?
Un immense plaisir. Je vais revoir des visages connus, une région que j'apprécie. On sera à l'hôtel à Saillon. J'ai habité à Riddes, juste en face. On veut conserver nos six points d'avance, idéalement creuser l'écart.
«Être coach est le plus beau métier du monde s'il n'y avait pas les matches»
- Par rapport à votre période valaisanne, qu'est-ce qui vous manque le plus?
Mon café du matin sur une terrasse. Et mes sorties à vélos le long des berges du Rhône, face au vent. Mais je ne plains pas… A Saint-Gall et dans toute la région, il y a une très forte identification au club. Appenzellerland, à côté d'ici, ce n'est pas que du fromage par exemple. Le FC Saint-Gall, ça compte vraiment dans la vie des gens.
- Quand une équipe perd, c'est la faute à qui?
A tout le monde. Comme Klopp aime le répéter après un but encaissé, il y a toujours au moins onze responsables. Chacun peut faire quelque chose de plus et de mieux. J'y inclus le coach, donc moi-même. Comme mes joueurs, je fais des fautes.
- Un entraîneur qui perd, c'est un futur chômeur?
Non, non, quand même pas. Ici, j'ai le sentiment que Saint-Gall veut vraiment construire sur la durée, au moins à moyen terme. Dans le foot, les plans de cinq ans n'existaient que dans l'URSS d'il y a 30 ans.
- Une équipe est-elle forcément le reflet de son entraîneur?
Il vaudrait mieux, compte tenu de la relation entre un coach et ses joueurs. Saint-Gall ne me ressemble pas encore à 100%. On s'en rapproche déjà. La vérité, c'est qu'il faut que cela prenne vite.
«Beaucoup de choses sont plus importantes que le football, mais on ne parvient plus à s'en rendre compte»
- Dans votre travail au quotidien, que préférez-vous?
Ce besoin de créer quelque chose, d'aider les jeunes à grandir, à s'épanouir. Faire éclore les talents… Mon rôle est de rendre mes joueurs meilleurs. Être coach est le plus beau métier du monde s'il n'y avait pas les matches! (Rires)
- Aimez-vous vos joueurs?
Oui, j'en ai d'ailleurs besoin. Mais aimer, c'est aussi engueuler parfois. Quand le côté individuel domine le côté équipe, ça ne va pas. Il y a parfois un décalage entre le potentiel d'un joueur et ce qu'il montre. Certains savent tout faire à l'entraînement, mais ne parviennent pas à le reproduire durant un match. Cela peut être dû à la pression ou à un contexte particulier.
- Réussissez-vous à dormir après une défaite comme celle de jeudi soir en Coupe?
Très peu et très mal. Je n'en suis pas fier non plus. Je suis habité par les images du match qui tournent en boucle dans ma tête. Il est difficile de s'en extirper.
- Dans votre vie, qu'y a-t-il de plus important que le football?
La famille, la santé, les amis… Beaucoup de choses sont plus importantes que le football, mais on ne parvient plus à s'en rendre vraiment compte, tellement on est plongé dans ce milieu.
«Avec moi, Sion aurait abordé la finale de 2017 autrement, en évoluant de manière plus courageuse»
- A quel point, un entraîneur peut-il être marqué par un limogeage, si l'on fait référence à ce qui s'est passé en avril 2017?
Ça vous travaille, forcément. C'est comme une histoire inachevée. Au moins, je n'ai pas quitté le Valais en tant que perdant. Être privé de finale avec le FC Sion reste bien sûr gravé en moi. Mais je ne me lève pas chaque matin en repensant à cet épisode douloureux. Tout le monde, à commencer par le président, m'avait parlé de la Planta… J'aurais aimé savourer cette finale de 2017 (ndlr: perdue 3-0 contre Bâle à Genève, avec Sébastien Fournier sur le banc), la vivre avec les supporters. Je ne prétendrai jamais que je l'aurais gagnée. Mais ce que je sais, par contre, c'est qu'avec moi, Sion l'aurait abordée autrement, en évoluant de manière plus courageuse.
- En tant qu'ancien professeur de français, pour quelles fautes avez-vous le plus d'indulgence?
Celles commises par passion, dans l'emportement. Pour moi, ce n'est alors pas un problème.
- Est-il juste, selon vous, d'attribuer au football l'expression d'une dimension artistique?
Oui, parfois, le football peut être de l'art. Quand on voit les inspirations de Mbappé, quand on regarde les envolées de Liverpool, c'est esthétique, c'est beau et pour moi, c'est de l'art. On sent une liberté dans l'expression, la force de l'énergie dans la création.