STEVEN SPIELBERG«Je ne pourrais jamais arrêter de réaliser»
Le cinéaste est de retour avec «Pentagon Papers». À travers ce film, il veut rappeler l'importance des médias.
- par
- Henry Arnaud
- Hollywood
Monsieur Spielberg est un homme très avare d'interviews. Il faut avoir rencontré le «Maître» de Hollywood par le passé pour pouvoir décrocher un rendez-vous en face-à-face. Lorsque Steven s'installe, il parle sans retenue, connaît le prénom de son interlocuteur et prend son temps pour répondre. «Bonjour Henry, ça va?» lance-t-il en français en entrant dans la pièce d'un palace new-yorkais alors qu'une tempête de neige sévit. «Ravi de vous revoir pour aborder un film qui est si important pour moi.»
Vous avez dit avoir abandonné tous vos projets pour réaliser «Pentagon Papers». Pourquoi?
«Pentagon Papers» (ndlr: «The Post», en version originale) suit, en 1971, la première femme à la direction du Washington Post, Katharine Graham, et son rédacteur en chef, Benjamin Bradlee. Tous deux luttent contre le gouvernement fédéral pour avoir le droit de publier les Pentagon Papers, des documents top secret qui dévoilent la responsabilité des États-Unis dans la guerre du Vietnam. J'ai trouvé que ces évènements sont terriblement d'actualité maintenant que Donald Trump est à la Maison-Blanche et qu'il fait tout pour dénigrer les médias. Mon film veut rappeler leur importance à l'heure où l'on veut remettre en question leur indépendance.
Vous avez bouclé le tournage en quelques semaines seulement. N'est-ce pas exceptionnel pour vous?
Absolument. J'étais en Italie pour des repérages sur un autre projet, mais nous n'arrivions pas à trouver l'acteur principal, qui doit être un enfant. Quand j'ai reçu le scénario de «Pentagon Papers», j'ai dit à tous mes techniciens de remballer leurs valises et que j'avais un autre tournage pour eux. Nous avons engagé tous les comédiens en quelques jours.
J'imagine qu'aucun acteur ne dit non à Spielberg…
Je ne sais pas (ndlr: il fait un clin d'œil). Mais Meryl Streep et Tom Hanks m'ont dit oui rapidement car cela fait des années que nous voulions avoir un projet à trois. Il me fallait deux grands comédiens pour incarner cette femme patron de presse et son rédacteur en chef car il n'est pas question de romance entre eux, ça aussi c'était intéressant pour casser les préjugés. Ils ont une admiration, une relation professionnelle, parfois tendue, mais forment un duo capital.
Vous avez réalisé quelques-uns des plus grands films de ces trois dernières décennies. Avez-vous un regret sur un scénario que vous avez refusé?
Il y a une multitude de raisons pour lesquelles j'ai souvent dit non à un projet de film, mais je n'ai aucun regret. Il y a un seul long-métrage que j'ai développé moi-même mais que je n'ai pas pu réaliser, c'est «Rain Man» avec Tom Cruise et Dustin Hoffman. Je m'étais engagé à mettre en scène un autre film qui était produit par l'un de mes meilleurs amis et je ne reviens jamais sur ma parole. Donc Barry Levinson a signé ce film et a fait un job superbe. Mais c'est vrai que, dans d'autres circonstances, j'aurais adoré le réaliser moi-même.
Certains cinéastes arrêtent la réalisation, disant en avoir marre des contraintes de Hollywood. Qu'en pensez-vous?
Je ne comprends pas; je ne pourrais jamais arrêter. C'est un privilège de raconter des histoires et de travailler avec de grands comédiens, mais aussi des techniciens de valeur. Ce n'est pas dans ma constitution physique de me dire qu'un jour je prendrais ma retraite. Je ne me permettrai jamais d'être fatigué de ce job, qui est ma passion d'enfance.
Avez-vous déjà songé à tourner en Suisse?
Ce qui me passionne, c'est l'intrigue. Et je n'ai pas encore lu d'excellent scénario se déroulant en Suisse. Je suis venu deux fois dans votre pays et j'en garde une excellente impression de plénitude.
On vous reproche souvent de vous faire rare dans les médias. Pourquoi ce choix?
Je déteste la promotion au pas de course comme c'est devenu la norme dans le showbiz américain. Je comprends les besoins du marketing, mais je préfère la qualité à la quantité. Je travaille beaucoup, mais j'ai aussi une grande équipe de bosseurs qui sont comme ma seconde famille. Cela m'évite d'être trop exposé.