Salon du livre«Je veux mettre les écrivains en cage!»
Il faut divertir autour des bouquins. C'est l'avis d'Isabelle Falconnier, patronne de la manifestation qui démarre aujourd'hui à Genève. Elle voit même d'un bon œil l'idée d'une télé-réalité.
- par
- Fred Valet

«Grrr!» «Hmm?…», «Boum!» En 2014, le Salon du livre manie l'onomatopée. Plein de bruits de bouche pour un marketing qui compose avec le mot d'ordre de l'époque: divertissement. Et à Palexpo, cette année, les mots s'échapperont encore davantage des pages. Dix scènes, de l'humour avec le Montreux Comedy, du yoga, des costumes de superhéros, un «café libido». Et le livre, il est où?
«Mais c'est pour lui que l'on fait tout ça! La littérature est au centre de toutes ces activités. Mais, aujourd'hui, le public veut être diverti. Il veut rencontrer les écrivains, découvrir les coulisses, échanger. On ne peut plus se contenter de mettre des livres sur des tables et attendre qu'ils se vendent», analyse Isabelle Falconnier, présidente du Salon. Le marché du livre tire la langue. Et les éditeurs le savent bien: si le lecteur veut être amusé, l'écrivain doit pouvoir amuser pour sortir de la mêlée. Encore faut-il avoir un peu de bagou et une bonne gueule. «La posture d'écrivain, ce n'est pas nouveau. Mais l'auteur doit savoir tout faire au XXIe siècle: écrire, parler, gérer les réseaux sociaux, bien passer à l'écran.» Au risque de museler les moins exhibitionnistes? «C'est un risque. Mais regardez Modiano. On ne le voit jamais et il vend des bouquins.»
Télé-réalité littéraire
Cette course au divertissement à tout prix se cristallise dans la télé-réalité. Musique, danse, cuisine et… littérature. Oui, littérature. C'est une chaîne italienne qui, la première, a poussé l'encrier devant les caméras. «Masterpiece», c'est la «Nouvelle Star» de la plume. Septante candidats, dont un adolescent, un serveur, un handicapé, une ouvrière, un retraité (il faut bien que le public puisse s'identifier) qui écrivent en direct, se soumettent à des épreuves et se font jeter les uns après les autres. Le vainqueur sera publié à 100 000 exemplaires. De l'anonymat au best-seller, il n'y aurait que la télévision? «Mais je rêve de mettre les écrivains en cage et devant une caméra, c'est excitant! Tout ce qui peut créer un lien entre une œuvre et son public est bon à prendre», réagit Isabelle Falconnier.
Thierry Ventouras, responsable de l'unité divertissement à la RTS, est moins emballé: «L'expérience italienne n'a pas rencontré son public. D'ailleurs, aucune autre chaîne n'a repris le concept, c'est un signe. Contrairement à la cuisine ou à la musique, il est impossible d'avoir un roman sous les yeux en une seule soirée. L'immédiateté est capitale en télé.» Surtout, le boulot d'écrivain peut-il vraiment s'afficher sans que l'inspiration ne crame sous les projecteurs? Visionnaire, l'auteure danoise Pia Petersen avait publié en 2013 le roman «Un écrivain, un vrai», racontant l'histoire d'une star littéraire qui, après avoir accepté qu'une TV le suive jour et nuit dans l'écriture de son livre, sombre dans la folie. «Tant qu'on garde à l'esprit que le roman est au centre des préoccupations, tout est possible!»