Entretien«Je vois beaucoup de places assises à l'avenir»
Face à la grogne des usagers, le directeur des CFF, Andreas Meyer, demande de la patience. Il estime que les Romands bénéficieront bientôt des investissements entrepris depuis 2007.
- par
- Lise Baillat
- Eric Felley

Le directeur général des CFF, Andreas Meyer, tient à rassurer les Romands.
Voyager debout dans des trains désuets. L'image fait bondir les Romands, qui s'estiment parfois laissés pour compte par les CFF. A la tête de l'ex-régie depuis cinq ans, Andreas Meyer répond aux critiques.
Le 1er avril, vous avez choqué en déclarant que les gens devraient voyager debout sur de courts trajets. Vous confirmez?
Cette phrase a été isolée de son contexte. Je parlais de 1 à 3% de notre clientèle, principalement en trafic régional et aux heures de pointe, qui doit voyager debout. Il faut être réaliste: on fait tout ce qu'on peut, mais on ne peut pas garantir qu'à chaque instant chaque personne trouve une place assise. Un système qui le proposerait serait d'ailleurs hors de prix! Mais je n'ai pas compris pourquoi cette phrase a suscité ces réactions. Ce sont les cantons qui commandent le trafic régional, aussi en termes de quantité, du nombre de rames et de cadences.
Mais, quand la Suisse aura 2 millions d'habitants en plus, à quoi ressemblera un voyage en train?
Je vois beaucoup de places assises, confortables, modernes, en trafic grandes lignes. Je vois que plus de 50% de nos clients sont constamment connectés à Internet. Dans nos trains, ils peuvent travailler, se relaxer, regarder des films, etc. Je vois des trains à deux étages d'une longueur de 400?mètres, avec 1200?places assises entre Genève et Saint-Gall ainsi que sur les grands axes. Je vois l'arc lémanique florissant avec un doublement des places assises. Je vois des trains régionaux à deux étages, avec des compartiments qui ont assez de place pour les vélos, pour les poussettes ou pour les grands bagages.
Alors, il faudra être riche pour voyager confortablement à l'avenir?
Non, je ne pense pas. Nous discutons avec la Confédération et les cantons par rapport à la prolongation du modèle de financement actuel. Aujourd'hui, c'est l'Etat qui paie une grande partie des coûts du trafic ferroviaire. Mais j'espère qu'on va trouver un équilibre entre ce que paient les clients, les cantons, la Confédération et les CFF. Nous soutenons la création d'un nouveau fonds permettant de maintenir notre infrastructure en bon état et d'élargir le réseau. De notre côté, nous améliorons notre productivité et nous investissons environ un milliard de francs par année pour le bien-être de nos clients. Je pense qu'ils sont prêts à payer pour un bon service.
Mais vous comprenez que ça puisse agacer de devoir payer plein pot pour être debout?
J'aimerais mieux mettre l'accent sur ce que les CFF réalisent. En ce qui concerne les prestations pour la Suisse romande, nous faisons un vrai feu d'artifice d'améliorations: nouveau matériel roulant avec climatisation, prises électriques, davantage de places assises, une meilleure ponctualité. Quand je suis devenu directeur des CFF en 2007, j'ai entendu les critiques des Romands. Il y avait beaucoup de plaintes que je comprenais. On a travaillé à des solutions dont les clients profiteront bientôt.
Il y a dix ans, le message était d'encourager à prendre le train. Aujourd'hui, vous aimeriez stopper l'afflux, être plus dissuasif?
Non, bien au contraire. Notre grand défi, c'est que nous avons un taux d'utilisation d'à peu près 30%. Si nous réussissons à inciter nos clients, les touristes en particulier, à voyager aux heures creuses, le train deviendra alors encore plus efficace du point de vue écologique et économique.
La baisse de prix aux heures creuses reste donc une offre importante?
Absolument, nous vendons des tickets dégriffés. C'est d'ailleurs une partie importante de l'assortiment des billets.
Les CFF viennent de lancer une nouvelle campagne de pub. Dans votre clip «En route comme chez soi», on voit des voyageurs heureux avec beaucoup d'espace. On a l'impression que ce ne sont pas les conditions réelles!
Ce n'est pas juste. Certaines affiches montrent également des voyageurs debout. Sur l'une d'entre elles, on voit une jeune fille qui dépasse des gens fêtant le carnaval. Il y a des moments où on peut se réjouir de rencontrer beaucoup d'autres personnes dans le train! Mais, surtout, notre campagne a été faite avec la participation de centaines de collaborateurs des CFF. Ils chantent dans le clip, jouent aussi dans les publicités et incarnent les valeurs de l'entreprise.
Sur certaines lignes périphériques, le confort des voyageurs et la propreté des wagons sont nettement moins bons que dans les régions urbaines. Que répondez-vous aux pendulaires de ces régions qui se sentent des voyageurs de 3e?classe?
Laissez-nous un peu de temps. Mais je dois constater que, partout en Suisse, il reste encore du matériel roulant qui est, disons-le franchement, fatigué. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour le remplacer le plus vite possible. Malheureusement, cela prend du temps. Si on pouvait le faire rapidement, nous aurions un souci en moins.
Pas question alors de réintroduire une 3e?classe en Suisse, qui avait été supprimée en 1956?
Non, c'est hors de question!
Parmi les régions périphériques mécontentes, l'arc jurassien craint une menace sur la ligne Bienne-Delémont-Bâle. Est-elle réelle?
Je suis content que vous posiez la question: quand j'ai entendu parler d'une pétition pour maintenir cette ligne, j'ai été vraiment surpris: on n'a absolument pas de plan pour la supprimer! On n'en a jamais eu. On ne touchera pas la ligne directe Genève-Delémont-Bâle!
Vous trouvez que les Romands, en fait, se sentent souvent lésés et qu'ils se font un peu trop pressants auprès de vous?
Les Romands savent défendre leurs intérêts. J'ai passé treize ans à l'étranger. Je suis revenu en Suisse en 2007. La Suisse romande a été la région la plus performante en ce qui concerne la défense de ses intérêts. Je ne sais pas comment c'était avant 2007, mais voyez ce qu'on est en train de faire pour la Romandie! C'est un vrai feu d'artifice qui commence cette année. Je suis persuadé que cela va convaincre les politiciens romands qu'ils ont su défendre leurs intérêts, mais aussi que les CFF les ont vraiment écoutés.