VoileJean Le Cam: «On a le vieux con, le handicapé et le branleur!»
Quatrième final grâce à la compensation de temps accordée, le doyen du Vendée Globe (61 ans) a fait le show en conférence de presse, quelques heures après son arrivée aux Sables-d’Olonne.

Le «roi» Jean Le Cam a fait le show quelques heures après son arrivée.
«J’ai connu pas mal de trucs assez difficiles dans ma vie, mais là j’ai connu l’insoutenable; et en fait, l’insoutenable, on y arrive», a expliqué Jean Le Cam (61 ans), blessé à une côte et inquiet pour son bateau endommagé, après avoir bouclé son quatrième Vendée Globe.
«Que je sois là aujourd’hui, c’est un miracle», a ajouté le doyen de l’épreuve, qui a coupé la ligne en huitième position, mais a finalement été classé quatrième grâce à la compensation de 16 heures 15 qu’il a reçue pour avoir sauvé Kevin Escoffier, naufragé après que son bateau se fut brisé en deux, le 1er décembre dernier.
Jean LeCam, quel est votre sentiment après avoir franchi la ligne d’arrivée?
J’ai connu pas mal de trucs assez difficiles dans ma vie, mais là j’ai connu l’insoutenable; et en fait, l’insoutenable, on y arrive. C’est toujours incroyable les choses qu’on arrive à faire alors qu’on se dit: «C’est pas possible». Et que je sois là aujourd’hui, c’est un miracle. En plus il y a le classement, ce putain de classement. Avant-hier (mercredi), j’étais huitième, après je me retrouve sixième et là je finis quatrième. Je n’ai pas eu beaucoup de chance dans ma vie mais sur ce coup-là, j’ai été servi!

Jean Le Cam à son arrivée aux Sables-d’Olonne.
Pourquoi parlez-vous d’«insoutenable»?
Quand j’ai débarqué Kevin sur le Nivôse (ndlr: la frégate de la Marine Nationale qui a récupéré Escoffier), j’étais dans le front chaud. Le lendemain, je vais voir à l’avant du bateau, il était délaminé (ndlr: cisaillé). Quand t’as la coque qui bouge de cinq centimètres comme ça, la mousse qui craque, tu te dis que ça va péter d’un moment à l’autre, et si ça pète, tu coules. J’ai réparé une première fois, après ça a re-pété. Arrêt une deuxième fois, réparation. Et là chaque jour, chaque heure, tu te dis: «Faut pas que ça tape». Hubert (ndlr: le nom qu’il donne à son bateau) m’a ramené, et moi je l’ai aidé à me ramener. Voilà pourquoi j’ai dit que c’était très difficile.
«Tu me dis: «Je repars demain?», je te réponds non»
N’était-ce pas le Vendée Globe de trop?
Je n’en sais rien. Tu me dis: «Je repars demain?», je te réponds non. Maintenant, c’est à chaud. Cette question-là, on me la pose à chaque fois. En fait, je n’en sais rien. J’ai passé la ligne d’arrivée il y a cinq, six heures, je suis content d’être arrivé, ma vie va continuer, elle va changer, il va se passer autre chose.
Est-ce que vous avez pris du plaisir?
Quand t’es stressé du matin au soir pour savoir si tu vas arriver ou pas, le plaisir, il n’y en a pas beaucoup.
«J’ai soulagé l’éventuel «con» qui aurait pu être à ma place»
Vous terminez quatrième, et vous avez toujours dit que c’était la «place du con»...
Des «places du con», j’en ai fait un paquet en Figaro. Là, j’étais huitième, finalement c’était bien. Les choses sont ainsi faites que je finis quatrième, à la «place du con»! En fait, ce que j’ai fait, c’est que j’ai soulagé l’éventuel «con» qui aurait pu être à ma place.
Pourquoi être revenu sur le Vendée Globe?
Quand t’es dans le sud, que t’as froid et que tu remontes sur la mer plate, là c’est le rêve, c’est des choses inatteignables au quotidien. Sur ce Vendée Globe, je viens de très bas et je monte très haut... Le différentiel, il est très grand (ndlr: il tente de lever son bras assez haut mais n’y arrive pas)… Je peux pas aller plus loin parce que je me suis pété une côte! J’étais en train de pisser dans le seau, j’avais une main pour m’accrocher et une main au seau, et puis là, un coup de machin, je vois le seau partir, j’enlève la deuxième main comme un crétin et puis le seau valdingue!
Y-a-t-il des marins qui vous ont enthousiasmé pendant ce Vendée Globe?
Ah oui! Il y a déjà Benjamin (ndlr: Dutreux, qui est arrivé ce vendredi matin et termine neuvième), on s’est fricoté ensemble pendant des jours et des jours. Et évidemment, il y a Damien (ndlr: Seguin, marin handisport qui a terminé 7e). Parce qu’avec tout ça, on a quand même le vieux con, le handicapé et le branleur! J’ai trouvé dommage que Isabelle (ndlr: Joschke, contrainte à l’abandon) soit pas là, ça aurait fait la gonzesse!