Publié

InterviewJean-Luc Delarue voulait aider les jeunes

L'animateur français Jean-Luc Delarue s'était lancé en 2011 dans une tournée antidrogue destinée aux jeunes. De passage en Suisse il s'était confié au «Matin».

Le Matin.ch
par
Le Matin.ch
C'était à Payerne, le 30 mars 2011. Jean-Luc Delarue arrivait au gymnase intercantonal de la Broye.

C'était à Payerne, le 30 mars 2011. Jean-Luc Delarue arrivait au gymnase intercantonal de la Broye.

DR / Jean-Guy Python / Le Matin

C'était en mars 2011. Alors qu'il sortait de sa cure de désintoxication, Jean-Luc Delarue avait sillonné la France et la Suisse à bord d'un camping-car pour alerter les jeunes sur les dangers de l'addiction aux drogues. Il s'était confié à Catherine Hürschler pour «Le Matin».

Jean-Luc Delarue, comment allez vous? Merci pour la question. Cela fait plaisir. Ça va bien. Je suis clean depuis six mois: plus de cocaïne, plus d'alcool, plus de somnifères, plus d'antidépresseurs, plus rien du tout, plus aucune substance qui altère le comportement. Je commence à avoir des moments de sérénité.

Faites-vous encore du sport? Oui, modérément parce que j'ai un comportement addictif à tout ce qui passe. Je suis déjà tombé dans l'addiction au sport, j'ai fait des marathons. Aujourd'hui, j'y vais à la cool. J'essaie de tout faire de manière modérée et de réapprendre à vivre.

Vous dites que vous êtes clean. Cela veut dire que vous ne prendrez même pas un verre de vin à votre arrivée à Payerne? Rien du tout! Je ne peux pas. Il y a un truc qu'on dit dans les groupes d'entraide anonymes auxquels je participe: «Un verre, c'est trop et deux bouteilles, ce n'est pas assez.» Mon corps et mon cerveau sont ainsi faits que je ne peux pas boire un peu seulement. Donc, je ne peux plus boire du tout.

On se souvient que vous avez été soigné à la clinique La Métairie, à Nyon (VD). Y ferez-vous un arrêt avant Payerne? Non, je n'ai pas le temps. Avec cette tournée, j'ai des journées bien remplies. On voit les élèves pendant les journées, les parents le soir. Et puis il faut aussi répondre à la presse. J'essaie de tout faire bien, mais je ne peux pas faire trop. Pendant cette première année de rétablissement, j'ai compris qu'il fallait y aller mollo. Je ne veux pas rechuter, donc je fais attention à moi.

Vous vous êtes déjà rendu dans sept établissements scolaires en France. Qu'est-ce que cela vous fait physiquement de parler de votre passé? Un effet thérapeutique assez puissant, très agréable. Ce sont des moments où on est en vérité complète avec soi même. Avant, je me disais de gros mensonges à moi-même.

Pourquoi les jeunes qui viennent vous écouter devraient davantage se fier à vos paroles qu'aux programmes traditionnels de prévention? Je n'en sais rien. D'ailleurs ils ne sont pas là pour faire davantage confiance à qui que ce soit. Je crois à la force du témoignage, j'y ai toujours cru dans mes émissions. Avant, je ne me suis jamais donné le droit de témoigner. J'ai toujours eu des relations compliquées avec les psys. Quand j'essayais d'arrêter l'alcool, ils me disaient que c'était plus facile de ne pas commencer plutôt que d'arrêter, merci bien!

Vous sentez-vous investi d'une mission? Le mot «mission» est trop fort! J'ai plutôt une intuition qu'une mission. Avant, j'étais davantage dans l'instinct, dans quelque chose de plus brutal. Aujourd'hui, je suis mes intuitions. C'est plus diffus, plus constant. Mon intuition me dit de faire ça, alors je le fais. C'est aussi simple que ça.

Qu'est-ce qui vous a marqué dans vos premières conférences? Les jeunes ont vraiment envie de connaître les dangers de l'addiction. Maxime, Camel (ndlr: deux anciens toxicomanes qui accompagnent l'animateur dans sa tournée) et moi essayons de bien raconter comment sortir de l'engrenage, l'obsession du produit quel qu'il soit. Ils me demandent souvent à quel moment on est en danger.

Allez-vous prolonger votre tournée? Je vais faire ça jusqu'en juin puis je prendrai des vacances. Mais je pense que j'irai toute ma vie dans les lycées, dans des proportions peut-être moins intenses.

L'été dernier, vous étiez en train d'écrire un livre quand vos problèmes de drogue ont refait surface. Allez-vous le terminer maintenant que vous allez mieux? J'ai écrit 600 pages qui sont dans une grande malle vert kaki, chez moi. Je l'ai écrit pour me débarrasser de choses qui remontaient à l'enfance et à l'adolescence, des choses qui me faisaient mal. Ben, cela ne m'a pas réussi. Pour soigner le mal que cela me faisait, je me suis mis à l'alcool, ce qui m'a mené aux médicaments puis à la coke. Non, si je dois écrire un autre livre, je le ferai. Celui-là me fait peur.

Qui est le nouveau Jean-Luc Delarue? (Long silence.) En fait, je retrouve plutôt le Jean-Luc que j'étais il y a longtemps et que j'ai été régulièrement, au gré de mes sevrages d'alcool car la drogue n'a pas toujours été présente. Je deviens quelqu'un qui accepte davantage les choses. J'essaie de mettre de la distance avec tout ce qui me faisait du mal et aussi du bien. J'avais une tendance à consommer quand cela allait mal et quand cela allait trop bien, comme si je n'avais pas droit aux émotions trop fortes. Aujourd'hui, je les assume mieux.

Qu'est-ce qui vous fait profondément du bien? Les groupes d'entraide. Et puis les petits plaisirs de la vie. Un peu de soleil, des promenades à moto.

Est-ce que la télévision vous manque? Non, pas encore. Mais oui, j'y pense car j'adore mon métier d'animateur télé. Il m'a tenu en vie. En écoutant les autres, je me sentais mieux dans ma vie. Maintenant, j'ai d'autres moments où je suis bien. Je sais que je continuerai à faire des témoignages de société mais en avançant un peu plus.

Vous êtes-vous fixé une date pour revenir? Non, pas du tout. Je crois beaucoup aux choses qui viennent naturellement.

Ton opinion