Témoignage: «J'espère voir le bout du tunnel»

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Témoignage«J'espère voir le bout du tunnel»

Une jeune Fribourgeoise a mis au monde une fillette de 390 g. Un bébé prématuré exceptionnellement petit. Elle raconte leur combat.

Pascale Bieri
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Pascale Bieri
Aujourd'hui, le bébé pèse près de 2 kilos pour 40 cm. Mia devrait pouvoir quitter prochainement l'hôpital.

Aujourd'hui, le bébé pèse près de 2 kilos pour 40 cm. Mia devrait pouvoir quitter prochainement l'hôpital.

Laurent Crottet

Mia aurait dû voir le jour le 16 février. Mais elle a pris de l'avance, puisqu'elle est née le 6 novembre 2015, à l'Hôpital de l'Ile, à Berne. Un bébé prématuré, comme il y en a de plus en plus en Suisse – un enfant sur 13 naît avant 37 semaines de gestation. Toutefois, des poids plume comme Mia (390 g pour 27 cm), c'est exceptionnel. «Les médecins m'ont dit qu'ils n'avaient jamais vu un bébé si petit», confie sa maman, Rebecca Helfer, une jeune Fribourgeoise de 21 ans, dont la vie est depuis suspendue au souffle de la fillette. Avec des peurs, des angoisses, et des espoirs qui n'en finissent pas de s'entrechoquer. «Certains jours, tout va bien. On est heureux. Et le lendemain, Mia est de nouveau sous assistance respiratoire. C'est éprouvant… Mais c'est une battante!»

Elle n'a pas poussé un cri

Ce long combat, auquel Rebecca et son compagnon, Loris (25 ans), ne s'attendaient pas, est dû à un problème apparu en seconde partie de grossesse de la jeune femme, une pré-éclampsie qui mettait la vie du bébé en danger.

Un accouchement d'urgence est alors décidé. Et comme la place manquait au CHUV, à Lausanne, Rebecca est dirigée à l'Hôpital de l'Ile, où elle subit une césarienne. «Je ne me suis rendu compte de rien car Mia n'a pas poussé un cri, puis on l'a emmenée immédiatement. Je ne savais même pas si elle allait survivre.»

De longues heures s'écoulent alors, jusqu'à 14 h, où la jeune femme peut enfin voir son bébé, né à 9 h 21. Mais sans pouvoir l'embrasser, ni même le toucher. «Elle était derrière une vitre, avec plein de tuyaux. Et tellement petite.»

Rebecca doit encore patienter une dizaine de jours, pour avoir enfin un contact physique avec son enfant. «On la posait sur mon ventre, au corps à corps avec la peau. C'est ce qu'on appelle la méthode kangourou. Je pouvais enfin la sentir, lui parler. Il y a trois semaines, j'ai pu la prendre dans mes bras, pour la première fois, comme un vrai bébé. J'ai beaucoup pleuré… Maintenant, je peux faire un peu comme je veux, même si je dois toujours porter un masque pour la protéger des microbes.»

Aujourd'hui, Mia a quitté le service des soins intensifs des prématurés. Et elle a sans doute passé le plus dur, dont une opération du cœur. Elle a également dû être intubée à six reprises, ce qui a abîmé ses cordes vocales. Elle continue également à recevoir de l'oxygène. «Les médecins nous disent qu'elle ne peut pas se battre sur tous les plans à la fois, mais ils sont positifs», confie Rebecca en ajoutant, après un silence: «J'aimerais enfin voir le bout du tunnel. L'emmener, chez nous, à la maison. Ça sera peut-être pour la fin du mois…»

Et si la jeune femme fait preuve d'un grand courage et d'optimisme, il est parfois difficile d'effacer les doutes. «Tout le monde me dit que ça va aller. Ça part d'une bonne intention, mais ça fait trois mois que j'attends. Je n'arrête pas de voir d'autres bébés prématurés rentrer chez eux. Et nous, on est toujours là. Parfois, je ne peux pas m'empêcher de me dire: «J'espère qu'on ne s'est pas battu pour rien. On n'est jamais à l'abri.» J'ai aussi vu des bébés prématurés mourir, depuis que ma fille est née.»

Présente tous les jours

Toutefois, cette maman avant l'heure le dit sans détour: «La naissance de ma fille reste un moment magique.» Et chaque après-midi, sans exception depuis bientôt trois mois, elle se rend à l'Hôpital de l'Ile, même si sa famille – très présente – lui a proposé de la relayer parfois, pour qu'elle se change les idées et qu'elle se repose. «Je ne peux pas m'empêcher de venir. Parfois, je refais même l'aller-retour, le soir, pour accompagner mon copain, quand il a fini le boulot. Je pense à Mia tout le temps, et il m'arrive de téléphoner, la nuit, pour savoir comment elle va, parce que je suis prise d'une angoisse. Les gens ici sont formidables, ils sont disponibles 24 heures sur 24.»

Et si la jeune femme reconnaît qu'elle «pète parfois les plombs» à la maison, auprès de son bébé elle rayonne. «Elle pèse plus d'un kilo 900 maintenant. Je vois tous les progrès qu'elle fait, même les plus petits. Elle est extraordinaire. Aujourd'hui, quand je lui dis «coucou Mia, c'est maman», elle réagit. Elle est contente. Depuis sa naissance, je lui ai toujours parlé, je lui raconte mes journées, lui explique pourquoi son papa ne peut pas être là, je lui chante des chansons et lui dis qu'on est très fiers d'elle. Qu'on a tous grandi à ses côtés.» Emue, elle ajoute: «Les médecins nous ont dit qu'on avait de la chance que ça soit une fille, car elles sont plus combatives que les garçons. En puis on a découvert, tout récemment, que Mia était un prénom de guerrière.» Autrement dit. un prénom qui lui était prédestiné.

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