OlyJO-2014 - Jeux vus d'ailleurs: A Kamikawa, le village de Sara Takanashi, on voit la vie en rose (PAPIER D'ANGLE)
Par Shigemi SATO TOKYO, 10 fév 2014 (AFP) - Au Japon, on aime les petites choses, les petits présents: du haut de son 1 m 52 Sara Takanashi pourrait bien, en s'envolant mardi du tremplin olympique des JO de Sotchi, apporter cette fois un gros cadeau à Kamikawa, son village peint en rose pour l'occasion.
"De Kamikawa au sommet du monde", proclament 300 banderoles déployées à travers cette bourgade de 4000 habitants sur l'île septentrionale de Hokkaido. Dans toutes les rues enneigées, dans tous les commerces, aux fenêtres, on pavoise avec des fanions frappés de quatre simples lettres: Sara, le prénom de ce petit prodige qui écrase le saut à skis féminin depuis 2011. Rien que cette saison, cette lycéenne de 17 ans au visage poupin a remporté 10 épreuves sur 13 ! De quoi lui offrir le costume de favorite pour cette épreuve disputée aux JO pour la première fois par des femmes. A quelques heures de l'exploit tant désiré, tout Kamikawa a viré au rose parce que, explique à l'AFP le maire de la localité, Yoshiji Sato, "le rose, ça fait joli sur la neige". Pour le Japon, qui a envoyé à Sotchi une délégation de 113 athlètes, cette "gamine volante" est probablement la meilleure chance d'or, un métal olympique dont le Japon n'a pas vu la couleur aux jeux d'hiver depuis 8 ans. Depuis la moisson historique de cinq médailles d'or (dont deux de saut à skis) aux Jeux de Nagano en 1998, un seul compatriote a offert la plus haute récompense au Japon: la patineuse artistique Shizuka Arakawa à Turin en 2006. En saut à skis, le Japon avait fait carton plein au petit tremplin en 1972 lors des JO de Sapporo, mais depuis, plus grand chose. Ensuite, les règles ont changé en limitant la longueur des skis, ce qui, affirment certains, désavantage les sauteurs de petite taille. Cela ne perturbe en tout cas visiblement pas Sara, ce petit de bout de femme qui, quand elle ne prend pas les airs, poursuit des études dans une école internationale près de son village. Et apparemment, cette adolescente n'est pas victime de l'ivresse de l'altitude. Au contraire même: "Aux jeux Olympiques, je veux juste démontrer que j'ai travaillé et me suis entrainée. Je veux faire mon plus beau saut". Elle a beau être née dans une famille où beaucoup se sont frottés aux tremplins, son père et son grand-frère notamment, Sara "est devenue une star en venant de nulle part dans une communauté japonaise de saut à skis bien terne", écrit Takaomi Matsubara dans "Flying girls", un ouvrage consacré aux sauteuses japonaises. Entre des cours de danse et des leçons de piano, Sara a d'abord regardé son papa et son frère chausser les skis, avant de se mettre dans leurs traces à l'âge de huit ans. "Je trouvais cela amusant. Tout de suite j'ai aimé voler comme un oiseau", raconte-t-elle dans "Flying girls". A Kamikawa, on espère aussi que le succès (et peut-être même l'exploit) de l'enfant du pays donnera un nouvel élan local à la discipline. "On utilise ici une vieille et petite piste, il faut la réparer pour pouvoir développer cette discipline", disait à l'AFP le maire samedi, juste avant de partir pour Sotchi, avec une poignée de supporteurs, dont la famille de Sara... de l'or dans les yeux, des fanions plein les valises. sps/jlh/kap/ep