InterviewJordan Peele: «Avoir un double maléfique, c'est ma hantise»
Après le succès mondial de «Get Out», le réalisateur est de retour avec un autre film d'horreur, «Us», déjà sur nos écrans. Il travaille aussi sur la nouvelle version de «Twilight Zone» pour la TV.
- par
- Henry Arnaud ,
- Hollywood

Le réalisateur Jordan Peele, ici accompagné de l'actrice Lupita Nyong'o, star de son nouveau film «Us», lors de la Première américaine.
Depuis deux ans, Jordan Peele est devenu l'un des réalisateurs les plus courtisés de Hollywood. Son film d'horreur «Get Out», sorti en 2017, a été l'un des films les plus lucratifs du box-office américain en rapportant près de 300 millions de dollars pour un budget de 4,5 millions.
L'ancien comique devenu metteur en scène espère renouveler cette réussite avec «Us» dans les salles obscures de Suisse romande. Il travaille également sur une nouvelle série «Twilight Zone» («La quatrième dimension»).
Comment est née l'idée de «Us»?
De ma peur des sosies. (Rires) Avoir un double maléfique, c'est ma hantise. Depuis que je suis jeune, j'ai souvent pensé voir mon sosie sur le quai pendant que j'attendais le métro à New York... et cela me donnait la chair de poule. En devenant adulte, j'ai essayé de comprendre pourquoi j'avais peur de cette idée de double maléfique. J'ai décidé d'en faire un film en poussant la réflexion à l'extrême: et s'il existait une famille de sosies? Je n'avais jamais vu cela dans le genre horrifique.
Avez-vous déjà rencontré votre sosie?
Non, on m'a toujours dit que je ressemblais à l'acteur Geoffrey Owens de la série «Cosby Show» mais nous ne nous connaissons pas. J'ai une vraie phobie des sosies alors je préfère me tenir à l'écart.
Vous avez dit que vous avez fumé moins de marijuana pour écrire «Us» que pour votre premier film d'horreur «Get Out». Pourquoi?
Je suis papa d'un petit garçon à présent alors je dois faire attention à ce que je dis car il pourra lire tout ça dans quelques années. (Rires) Je voulais surtout garder les idées claires pour que mon scénario soit facile à comprendre. Une histoire d'horreur est similaire à une comédie car la notion du rythme est capitale pour tenir le public en haleine. Je suis comédien depuis vingt ans alors j'ai juste transformé mes gags en histoires d'horreur.
Comment expliquer «Us» sans dévoiler l'intrigue?
J'ai poussé à l'extrême cette idée du double maléfique, du sosie négatif de chaque personne et j'ai écrit une mythologie entière de cet univers. Le plus dur est de savoir ce qu'il faut expliquer au spectateur et ce qu'il faut garder secret. Pour un film qui doit faire peur, il est important de donner des réponses mais aussi de garder la discussion ouverte à la fin du film. J'ai suffisamment de matériel pour écrire une trilogie ou une série «Us» en cas de succès pour la suite.
À propos de TV, vous venez également de vous lancer dans un remake de «Twilight Zone». Que peut-on attendre de cette version de la série culte?
D'abord, il n'y aura aucun remake des anciens épisodes. Nous avons imaginé une nouvelle série d'histoires pour rendre hommage à l'imagination de Rod Serling, le créateur de «Twilight Zone». Adolescent, j'étais passionné, car chaque épisode était l'équivalent d'un petit film avec un grand soin accordé à l'esthétique des prises de vue en noir et blanc. Serling avait conçu «Twilight Zone» à l'époque de la Guerre froide avec les Soviétiques mais aussi des années de secrets dans la politique américaine.
Cette série a-t-elle une résonance particulière avec notre époque?
Depuis deux ans, avec l'élection de Donald Trump à la Maison-Blanche, j'entends souvent des gens autour de moi dire qu'ils pensent que nous sommes entrés dans une autre dimension, un autre monde. Cela m'a donné l'idée de revisiter «Twilight Zone» car on peut utiliser des allégories pour faire passer des messages durant notre époque où les gens s'opposent sans chercher à se comprendre.