Secret bancaireL'accord FATCA passe le cap du Conseil national
Le Conseil national a adopté lundi l'accord FATCA. Les banques suisses devront déclarer au fisc des Etats-Unis les comptes détenus par des Américains.
Les comptes détenus en Suisse par des contribuables américains ne devraient plus échapper au fisc des Etats-Unis. Par 112 voix contre 51 et 21 abstentions, le Conseil national a adopté lundi l'accord dit FATCA. Le dossier retourne au Conseil des Etats pour une divergence mineure, portant sur l'entrée en vigueur.
Retrouvez minute par minute le déroulement des débats du Conseil national.
La loi américaine appelée FATCA devait s'appliquer dès janvier prochain. L'accord et sa loi d'application, adoptée par 113 voix contre 50 et 20 abstentions, avaient été préparés dans cette optique. Or Washington a fait savoir que les nouvelles règles ne s'appliqueront qu'à partir de juillet 2014, a rappelé Philipp Müller (PLR/AG) au nom de la commission préparatoire.
Avec ce traité, la Suisse devrait mettre un terme au conflit fiscal qui l'oppose aux Etats-Unis. Mais uniquement pour la taxation future des comptes américains.
Pour tirer un trait sur le passé, les banques devront, pour certaines, attendre le verdict de la justice américaine ou, pour les autres, se tourner vers le programme concocté outre-Atlantique, avec à la clé un risque de fortes amendes et les remises d'informations au fisc américain. Berne et Washington viennent de se mettre d'accord sur ce point.
Echange automatique
L'accord FATCA règle le transfert des données bancaires selon un système proche de l'échange automatique. Avec le modèle retenu, le feu vert du titulaire du compte sera nécessaire. Mais, à défaut, les données seront transmises de manière anonymisée. Les renseignements seront échangés sur la base de l'assistance administrative.
La gauche, dont seuls quelques membres ont refusé l'accord au final, estime que cela ne suffit pas. Elle a proposé en vain que la Suisse s'engage sans attendre vers l'échange automatique. Ce dernier va s'imposer assez vite sous pression internationale et vouloir freiner cette évolution serait une erreur nuisible pour la place financière helvétique, a affirmé Susanne Leutenegger Oberholzer (PS/BL).
«Testons d'abord le modèle retenu puis nous verrons ensuite», a répliqué Thomas Maier (PVL/ZH) affirmant que le système basé sur l'échange automatique impliquerait des charges administratives plus lourdes. La Suisse pourra toujours changer de cap dans quelques années, a ajouté Hansjörg Hassler (PBD/GR).
Et la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf de rappeler que le Conseil fédéral pouvait se rallier à l'échange automatique sous certaines conditions. Le gouvernement décidera cet automne de la suite des travaux.
«Traité colonial»
L'UDC s'en est prise à l'accord pour de toutes autres raisons. Pour Hans Kaufmann (UDC/ZH), il ne s'agit ni plus ni moins que d'un «traité colonial» unilatéral. L'approuver créerait un précédent dangereux: la Suisse va reprendre un droit fiscal que les Etats-Unis pourront changer à leur gré.
Selon lui, il n'est pas seulement question d'impôts. Le député UDC a brandi la menace d'utilisation des données bancaires fournies par les banques à des fins d'espionnage économique.
Avantages et inconvénients
L'accord n'a pas passé la rampe sous les acclamations. Pour la majorité des parlementaires, il s'agit d'une couleuvre à avaler. Mais les répercussions d'un «non» ont été jugées trop dangereuses. Faute de traité, la place financière suisse risquerait de perdre pied sur le marché américain ou de subir une taxe à la source de 30%.
La majorité a aussi fait valoir les concessions obtenues par la Suisse. Les assurances sociales, les caisses de pensions et les assurances dommages ou de choses sont en effet exclues du champ d'application de l'accord. Idem des autorités suisses, de la Banque nationale suisse (BNS) et des organisations internationales.
Les placements collectifs ainsi que les établissements financiers ayant une clientèle principalement locale (98% des clients sont suisses ou européens) sont quant à eux uniquement soumis à une obligation d'enregistrement. Soit un petit tiers des banques.
Exigences différenciées
Des exigences différenciées sont prévues suivant que le compte américain en Suisse aura déjà été ouvert ou non lors de l'entrée en vigueur, qu'il est individuel ou commercial et suivant le montant déposé. Les banques devront s'enregistrer auprès du fisc des Etats-Unis et s'engager à remplir les obligations apparaissant dans un contrat d'application de l'accord.
Elles lui transmettront directement les données chaque année. Si le fisc américain constate des infractions graves, il avisera les autorités suisses. A défaut de correction, Washington pourrait prendre des mesures de rétorsion contre la banque.
Les clients américains indésirables
Les banques ne sont pas seules à se faire du mouron pour le conflit fiscal et l'accord FATCA avec les Etats-Unis. Pour les 18'000 citoyens américains vivant en Suisse, il est devenu difficile d'ouvrir un compte salaire ou d'épargne. Les hypothèques ou les titres ne sont pas aisés non plus à obtenir.
Beaucoup de banques se sont séparées depuis longtemps déjà de leurs clients américains résidant hors de Suisse. Les citoyens US établis dans le pays sont eux non plus de loin pas bienvenus partout.
Le groupe Raiffeisen, leader dans la banque de détail en Suisse, n'accepte plus de citoyens américains parmi sa clientèle, même s'ils résident ici. «Les risques juridiques sont trop importants», a expliqué le porte-parole Franz Würth à l'ats.
Chez UBS, les prestations de base comme un compte salaire ou d'épargne ou les hypothèques restent possibles, précise la banque. A condition toutefois d'autoriser l'établissement à livrer des données au fisc américain dans le cadre de l'accord FATCA.
Confirmations et formulaires supplémentaires
Les banques cantonales adoptent des stratégies diverses. Celle de Bâle par exemple accepte encore les Américains habitant en Suisse comme nouveaux clients. Mais elle aussi doit se procurer les confirmations et formulaires supplémentaires requis afin de correspondre aux standards internationaux en matière de transparence fiscale.
La Banque cantonale bernoise refuse elle les nouveaux clients américains. Le sort des clients US existants est incertain: la question est actuellement à l'examen, selon le porte-parole Martin Grossmann. La Banque cantonale de Lucerne n'accepte plus non plus de nouveaux clients US alors que ceux qu'elle a encore doivent fournir les documents nécessaires.