EnergieL'avenir sans Mühleberg
La fermeture de la centrale nucléaire se précise pour 2013. Pourra-t-on combler sa production en si peu de temps et quels seront les impacts pour les consommateurs suisses?
- par
- Loïc Delacour

La prise est sur le point d'être tirée à Mühleberg. Rien n'est encore complètement définitif, mais la décision, ce mercredi, du Tribunal administratif fédéral (TAF) d'arrêter la centrale dès 2013 sonne bien comme la fin de l'atome dans le canton de Berne. Les responsables du groupe d'électricité BKW FMB Energie ont annoncé hier ne pas encore avoir décidé d'un éventuel recours contre la décision du TAF. Mühleberg fournit actuellement 5% de la production totale d'électricité en Suisse. En cas d'arrêt des turbines l'année prochaine, quels seront les réels impacts pour les Suisses?
PÉNURIE Doit-on craindre un black-out?
La production de la centrale atomique bernoise devra bien être compensée d'une manière ou d'une autre. Le risque de pénurie en Suisse ou dans une partie du pays est bien sûr impensable. «L'Allemagne a réussi à fermer 8 centrales pratiquement du jour au lendemain, réagit le conseiller national Vert Christian van Singer. Le Japon en a fermé 52 sur 54 et va prochainement fermer les deux dernières. Il n'y a pas eu de black-out ni en Allemagne ni au Japon. Alors vous n'allez pas me dire que l'on ne peut pas fermer Mühleberg qui ne représente que 5% de la consommation d'électricité en Suisse.»
PRIX Une facture plus salée?
Pour ce qui est d'une éventuelle augmentation de la facture d'électricité des Suisses suite à la fermeture de Mühleberg, les avis divergent. Chantal Balet, présidente de la Fédération romande pour l'énergie, ne l'exclut pas. «La fermeture de Mühleberg peut avoir un impact sur le prix de l'électricité, estime-t-elle. Rien n'est sûr, mais c'est un risque.» Christophe Baillif est directeur du laboratoire de photovoltaïque à l'EPFL. Pour lui aussi, il y aura un impact pour les consommateurs. «Mais il sera relativement limité, car il n'y a actuellement pas de pénurie de courant au niveau européen.» Christian van Singer n'est pas d'accord. «Le coût de l'électricité est défini par d'autres facteurs que par celui de l'arrêt de Mühleberg, déclare-t-il. Il y a, par exemple, le coût du gaz au niveau mondial. Pour BKW FMB Energie, là oui il peut y avoir une perte réelle. Il faut dire qu'avec la rentabilité qu'offre une vieille centrale, cette usine est une véritable poule aux œufs d'or. Il est d'ailleurs bien possible que l'entreprise fasse recours pour pouvoir prolonger au maximum l'exploitation du site.»
COMPENSATION Comment remplacer les 5%?
Pour compenser, d'ici à 2013, la perte de production de Mühleberg, deux options: remplacer cette part ou faire en sorte de diminuer la consommation d'électricité en Suisse de 5% également. «Dans un délai aussi court, il n'y a pas vraiment d'autre possibilité que l'importation, affirme Chantal Balet. La géothermie, par exemple, le Conseil fédéral en parlait avant Fukushima et disait qu'avant 2020 cela ne serait pas au point techniquement. Et d'ici à l'année prochaine, je ne vois pas comment on pourrait combler ces 5% avec de l'énergie renouvelable. Pour remplacer Mühleberg, il faudrait installer 740 éoliennes, ou alors 160?000 toits devraient être recouverts de panneaux solaires.» Pour Christian van Singer, en revanche, «si on prend les bonnes mesures, il n'y aura pas d'importation». Le Vert vaudois estime que l'on peut économiser énormément d'électricité. «Il faut premièrement éviter le gaspillage. Le remplacement d'appareils ménagers, comme des frigos, par d'autres ayant une meilleure efficacité énergétique est déjà en cours. On peut encourager le remplacement des moteurs dans les entreprises. Ou des chauffages électriques, aussi. Le potentiel est énorme. En remplaçant tous ces derniers, on pourrait arrêter Mühleberg, Beznau 1 et Beznau 2.»
AVENIR Le nucléaire est-il mort?
Tout le monde s'accorde à dire que les énergies renouvelables sont l'avenir. Dans ce domaine, il semble qu'il n'y a pas une mais des solutions. «A terme, le solaire pourrait très bien remplacer la production d'électricité de Mühleberg et plus encore, estime Christophe Baillif. On pourrait produire jusqu'à 20% de notre électricité par le solaire en 2034, dans un scénario très ambitieux. Mais le solaire n'est pas la seule réponse. Il y a notamment le problème de la différence d'efficacité des centrales solaires entre l'été et l'hiver. L'éolien, la biomasse, la géothermie, les imports-exports de courant et la régulation par du pompage turbinage, ainsi que des centrales à gaz d'appoint, devront sans doute tous jouer un rôle.»