MaladroitL'invitation qui dérange
Johann Schneider-Ammann, prochain président, aimerait recevoir son homologue indonésien l'an prochain. Un hôte décrié.
- par
- Raphaël Pomey

Président de la Confédération en 2016, Johann Schneider-Ammann recevrait volontiers son homologue indonésien.
Quatorze. C'est le nombre d'exécutions en Indonésie depuis le début de l'année 2015. Précédées de longues polémiques, les dernières ont eu lieu mercredi passé. Huit personnes, dont sept étrangers, ont été tuées. Le sort d'un Français, qui devait également être fusillé à cette occasion, est en suspens.
Autant dire que, ces derniers temps, l'archipel n'a pas vraiment fait exploser sa cote de popularité dans le monde. C'est dans ce contexte, pourtant, que le conseiller fédéral PLR Johann Schneider-Ammann vient de faire part de son intérêt pour une visite en Suisse du président Joko Widodo en 2016. La scène s'est déroulée en marge d'une réunion de la Banque mondiale à Washington, dix jours avant la dernière série d'exécutions, rapporte la NZZ am Sonntag.
Officiellement, le futur président de la Confédération (sauf surprise lors des prochaines élections) n'a fait que réitérer l'intérêt de Berne pour une rencontre déjà mise sur le tapis. Reste que l'attention de la Suisse pour ce pays est vive, comme le montre le voyage effectué sur place en mars par un autre conseiller fédéral PLR, Didier Burkhalter. Et pour cause: l'Indonésie présente un potentiel très intéressant pour l'économie helvétique.
Certes neutre, la Suisse peut-elle se permettre d'afficher ses liens avec un pays en grave difficulté sur le plan diplomatique, notamment avec la France?
Servir d'intermédiaire
Membre de la Commission de politique extérieure du Conseil national (CPE), Christian Lüscher est persuadé que oui. Il considère même que, désormais rabibochée avec Paris, la Confédération pourrait servir d'intermédiaire avec l'Indonésie. «Si on ne devait discuter qu'avec des pays qui ont aboli la peine de mort, on prendrait l'apéro entre Européens», ajoute le conseiller national PLR.
D'autres observateurs sont moins enthousiastes, qui considèrent que Johann Schneider-Ammann, chef du Département fédéral de l'économie, aurait pu choisir un meilleur moment pour faire les yeux doux à l'Indonésie.
C'est notamment le cas du socialiste Manuel Tornare, autre membre de la CPE. «Au niveau de l'agenda, l'invitation n'est pas très habile», déplore l'ancien maire de Genève.
Il ne voit cependant pas de problème à parler business avec un pays qui applique la peine de mort, à condition que la Suisse fasse entendre son point de vue sur la question: «Mais la vraie interrogation est: Schneider-Ammann parlera-t-il des droits humains? Jusqu'ici, on ne peut pas dire qu'il a fait preuve d'un champ lexical très axé sur ces questions…»