DéfenseL'Occident a peur des missiles
La première étape du bouclier antimissile européen de l'OTAN est opérationnelle.
- par
- Laszlo Molnar

La «guerre des étoiles» que proposait dans les années 1980 l'ancien président américain Ronald Reagan prend un nouvel envol en Europe. Dans la nuit de dimanche à lundi, l'OTAN a en effet symboliquement déclaré «opérationnelle» la première phase du bouclier antimissile destiné à protéger le Vieux-Continent. «Se défendre contre les missiles est indispensable. Nous faisons face à des menaces réelles», a affirmé le Danois Anders Fogh Rasmussen, secrétaire général de l'alliance atlantique, devant les chefs d'Etat et de gouvernement des 28 pays membres de l'organisation réunis à Chicago. La mise en place de cette nouvelle capacité stratégique est le pendant européen de la dernière version du bouclier que les Américains ont commencé à mettre en place sur leur territoire au lendemain des attentats terroristes de 2001.
À QUOI ÇA SERT?
A se défendre contre l'Iran
«C'est le premier pas vers notre objectif à long terme d'assurer une protection complète des pays européens», a expliqué M. Rasmussen. Officiellement, il s'agit de se prémunir contre les attaques d'«Etats voyous», tels l'Iran ou la Corée du Nord. «Le bouclier va ajouter quelque 5% de sécurité supplémentaire contre les éventuels tirs de ces pays qui possèdent déjà la capacité théorique de tirer des missiles balistiques d'une portée de 2500 à 6000?km. Mais leurs menaces s'intensifieront quand ils produiront des fusées d'une autonomie de 10?000?km» nous explique le Dr Daniel Möckli, du Centre d'étude sur la sécurité à Zurich. La décision de l'OTAN indispose toutefois la Russie qui la considère comme une nouvelle forme d'intimidation occidentale, et exige de recevoir des garanties que le bouclier ne visera pas sa capacité de dissuasion.
COMMENT ÇA MARCHE?
Avec du matériel américain
Le système repose dans un premier temps sur un radar très puissant installé en Turquie et des missiles de type Standard SM-3 installés à bord de frégates Aegis croisant en Méditerranée, reliés par de nombreux réseaux de télécommunication par satellites. Le poste de commandement se trouve sur une base américaine en Allemagne, à Ramstein. Cette «capacité intérimaire» annoncée dimanche sera renforcée ultérieurement par des missiles Patriot que possèdent déjà plusieurs alliés, auxquels s'ajouteront dès 2015 des missiles intercepteurs implantés en Pologne et en Roumanie, ainsi que des drones et des radars d'alerte avancée qui sont encore en développement. Ces nouveaux équipements devront permettre à l'Europe de ne pas être «déclassée militairement», estime Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique à Paris. Une opinion corroborée par des études qui relèvent que, comparativement à plusieurs pays émergents, dont des «Etats voyous», les investissements stratégiques stagnent depuis plusieurs années sur le Vieux-Continent.
QUI EST AUX COMMANDES?
Les Etats-Unis
La décision d'abattre une fusée de longue portée doit se prendre en moins d'une minute. Donc ce sont les personnes en charge dans le centre de contrôle en Allemagne qui la prennent, c'est-à-dire les Américains, affirme Daniel Möckli.
COMBIEN ÇA COÛTE?
Des milliards chaque année
Sur son site, l'armée américaine évalue le coût global de la mise en place du bouclier européen à 9 milliards de dollars (8,4 milliards de francs) pour l'année en cours. Officiellement, Washington a dépensé 7,2 milliards de francs en 2010 et 8,9 milliards en 2009 pour le bouclier protégeant les territoires américains. «Ces dépenses faramineuses poseront problème à terme aux Européens, à moins qu'ils ne renouent avec la croissance économique. Cela d'autant plus que ces investissements ne suffiront pas forcément à les mettre à l'abri du chantage militaire, notamment atomique, que Pyongyang et plus tard Téhéran voudraient leur faire subir», constate encore Daniel Möckli. Des menaces qu'il convient de prendre au sérieux même si, comme le constate Nick Witney, de l'European Council on Foreign Relations, la capacité des États voyous à lancer une fusée balistique reste peu crédible. Surtout au vu du récent échec en la matière de Pyongyang.