Aide aux famillesL'UDC menace les déductions pour frais de garde
Si elle est acceptée, l'initiative «pour les familles» fait planer le risque de désavantager fiscalement les parents qui placent leurs enfants à la crèche.

Avec son initiative «pour les familles», l'UDC veut donner un coup de pouce, par des déductions fiscales, aux familles qui s'occupent elles-même de leurs enfants. Si le texte est accepté, il risque de désavantager fiscalement les parents qui placent leurs enfants à la crèche.
Depuis début 2011, les ménages qui ont des enfants de moins de 14 ans peuvent bénéficier de déductions sur l'impôt fédéral direct (IFD) s'ils font garder leurs enfants dans des structures externes. Elles s'élèvent à un maximum de 10'100 francs par année et par enfant.
En même temps, les cantons ont été enjoints d'adapter leurs lois fiscales jusqu'à 2013 pour que de tels allègements soient aussi possibles pour les impôts cantonaux et communaux. Aucune prescription ne leur a été fixée quant au montant de ces réductions.
Déductions entre 3000 et 10'000 francs
C'est ce qui explique les grandes différences constatées. Dans les Grisons, les parents qui placent leur enfant à la crèche peuvent bénéficier de déductions allant jusqu'à 10'300 francs, alors qu'en Valais, elles sont plafonnées à 3000 francs.
Ces deux cantons montagnards constituent les deux extrêmes. Les déductions se montent par exemple à un maximum de 5500 francs dans le canton de Bâle-Campagne, et à 6000 francs dans ceux de Soleure et d'Argovie. Dans ces trois cantons, les allègements atteignent un ordre de grandeur qui correspond aux frais effectifs.
Car selon les chiffres les plus récents de l'Office fédéral de la statistique (OFS), qui datent de 2008, les frais de garde des enfants s'élèvent en moyenne à 6000 francs par année et par enfant. Mais dans certains cas particuliers, ce montant peut grimper jusqu'à 20'000 francs.
Pertes fiscales: une «fable» pour l'UDC
Par son texte, soumis à votation le 24 novembre, l'UDC veut que les familles qui gardent leurs enfants à la maison puissent bénéficier de «déductions fiscales au moins aussi élevées» que celles qui confient leurs enfants à des tiers. Les modalités de la mise en vigueur de l'initiative ne sont pas encore claires.
Mais selon Dave Siegrist, responsable de l'Office des impôts d'Argovie, un «oui» à l'initiative entraînerait un changement dans le système des déductions fiscales. On ne retrancherait plus des impôts les frais prouvés de la prise en charge, jusqu'à concurrence du plafond fixé, mais on verserait plutôt à tous les ménages avec enfants un montant forfaitaire indépendant des coûts effectifs.
Cela entraînerait des pertes fiscales considérables, comme le montre un coup de sonde effectué auprès de plusieurs cantons. Soleure et St-Gall les évaluent respectivement à 52 et 57 millions de francs, alors qu'Argovie les chiffre à 140 millions.
Les cantons tablent sur une déduction forfaitaire future qui atteindrait l'allègement maximal actuel pour la prise en charge des enfants par des tiers. Avec ce scénario, selon une évaluation des directeurs cantonaux des finances, les pertes fiscales pour les cantons s'élèveraient à environ un milliard de francs. La Confédération prévoit pour sa part une baisse de 390 millions de l'IFD.
L'UDC critique cette estimation en la qualifiant de «fable des millions». Le parti se base sur le fait que les cantons pourront continuer à fixer librement le montant des déductions. En d'autres termes: celui qui ne veut pas subir de pertes fiscales devra corriger d'autres allègements, par exemple ceux pour la prise en charge externe des enfants.
200 francs au lieu de 6000
Quelques cantons ont esquissé ce scénario. Selon le chef de l'Office soleurois des impôts, Marcel Gehrig, la déduction pour la prise en charge des enfants devrait être fixée à 300 francs «pour rester neutre au niveau des coûts».
Dans le canton de Berne, le coup de pouce actuel, qui atteint 3100 francs, devrait être réduit à environ 500 francs, explique Bruno Knüsel, le préposé cantonal aux impôts. L'Office argovien évoque même un montant forfaitaire ramené à 200 francs, une fraction seulement des 6000 francs actuels pouvant être déduits pour le placement à la crèche.
Trois cantons appliquent ce modèle
La revendication présentée par l'UDC dans son initiative est pour l'heure mise en pratique dans les cantons de Zoug et du Valais. Tous deux connaissent une déduction pour les familles qui gardent leurs enfants à la maison, qui est identique à celle qui est versée pour la prise en charge à l'extérieur.
Une déduction pour les familles qui s'occupent elles-mêmes de leurs enfants est aussi en vigueur dans le canton de Lucerne depuis début 2012. D'un montant forfaitaire de 2000 francs, elle est toutefois inférieure à l'allègement maximal possible pour la prise en charge externe, qui est fixé à 4700 francs.