HumeurLa 5G et Nantermod: de l'obscurantisme au totalitarisme
La 5G effraie certains pour ses effets sur la santé. En réalité le malaise est bien plus profond face à l'agressivité de cette technologie qui défonce notre sphère privée, notre vie sociale et notre porte-monnaie.
- par
- Eric Felley

Le chiffre et la majuscule 5G s'impriment en lettres géantes comme le culte à un sigle tout puissant, la clef du futur, le code d'un nouvel âge à l'image d'un totalitarisme triomphant.
Dans sa chronique du «Temps» de mardi, le conseiller national et vice-président du PLR, Philippe Nantermod, tourne en dérision les «Don Quichotte cantonaux» qui mettent en doute l'innocuité des antennes 5G pour la santé. Il cite Frankenstein ou Terminator et une riche littérature de science-fiction basée sur la peur de la science et ses délires irrationnels.
Les gens raisonnables ont finalement triomphé de ces craintes qui relèvent selon lui de «l'obscurantisme». Il s'agirait aussi d'une attitude électoraliste de certains pour obtenir «des voix mal acquises, sur le dos du progrès technique indispensable à l'amélioration de notre quotidien et de notre développement.»
Un enfant: un «client-né»
Mais de quelle amélioration parle-t-il ? Comment peut-il prétendre (avec tant d'autres) que notre quotidien et notre développement vont être améliorés grâce à la 5G? Tout le monde est devant le fait accompli. Cette technologie a déjà envahi la vie privé et sociale d'une manière radicale et n'a jamais fait l'objet d'une appréciation démocratique. Pourtant, elle condamne un enfant d'aujourd'hui à être un «client-né» toute sa vie, suivi comme son ombre par la mémoire de ses interactions électroniques. Que lui restera-t-il de liberté dans cette vie ? De la «liberté» au sens chéri par le PLR ?
Hors contrôle
Cette technologie unique, personne ne peut plus la refuser. Ne pas l'accepter équivaut à se mettre en marge et dans l'incapacité de fonctionner avec les autres. En ce sens, elle s'est imposée comme une forme de totalitarisme, qui a échappé au contrôle citoyen et politique. Avec la 4G déjà, les algorithmes analysent nos vies, savent où nous allons et comment, ce que nous lisons, ce que nous écoutons et ce que nous regardons. Les micros installés dans nos appareils enregistrent nos propos. Dans les minutes qui suivent s'affiche une publicité pour la chose dont vous venez de parler! Et ce n'est pas de la science-fiction.
Peau de chagrin
Avec la 5G, cela ira encore plus vite. Et avec la 6G ou la 7G, on n'ose imaginer les trouvailles sophistiquées qui nous dépouilleront des dernières plumes qui protègent notre sphère privée. Au final, ce que Philippe Nantermod qualifie aujourd'hui de «progrès technique indispensable à l'amélioration de notre quotidien et de notre développement» n'est en fait qu'une longue fuite en avant qui réduit notre liberté comme peau de chagrin à chaque G supplémentaire. Là, il existe aussi toute une littérature dystopique, où la réalité politique risque fort de rejoindre la fiction.
Sacrifice
Depuis une dizaine de jours, Swisscom, Sunrise et consorts ont lancé l'offensive pour faire fructifier les concessions qu'ils ont achetées à la Confédération et qu'ils nous feront pays cher. Le chiffre et la majuscule 5G s'impriment en lettres géantes comme le culte à un sigle tout puissant, la clef du futur ou le code d'un nouvel âge... G comme Géant ou Great. Mais on est en droit de penser à G comme Grimace, comme soupe à la grimace pour la liberté «à l'ancienne» que nous lui sacrifions en échange de sa bienveillance éclairée.