Interview«La carrière de Mark Branson chez UBS a été passée au peigne fin»
Le nouveau patron des marchés financiers, le Britannique Mark Branson, a été mis sous enquête aux Etats-Unis dans l'affaire de la manipulation des taux Libor, avant d'être blanchi. Bonne pioche pour la FINMA?
- par
- Elisabeth Eckert

La Genevoise Anne Héritier Lachat défend vigoureusement le choix du Britannique Mark Branson, ancien directeur chez UBS, à la tête de la FINMA.
En 2008, Mark Branson était un des responsables d'UBS et fut l'un des cadres dirigeants de la grande banque au moment du scandale du Libor. Pas de souci pour vous?
Lorsqu'en 2010, Mark Branson a postulé à la FINMA, nous avons conduit des enquêtes poussées sur ses antécédents au sein d'UBS. Puis, depuis 2010, nous n'avons cessé de le suivre. Et, enfin, lorsque Patrick Raaflaub a donné sa démission en novembre dernier et que Mark Branson a été désigné directeur ad interim de la FINMA, le conseil s'est encore penché sur ces questions. Pour conclure, à chaque fois, qu'il n'y a rien à reprocher à M. Branson.
Mark Branson a tout de même été entendu par le Sénat américain, dans le dossier de gestion de fortune transfrontalière et a eu un rôle dans le cas du Libor
En effet, à l'époque, Mark Branson a représenté UBS devant le Sénat, car il n'était pas impliqué dans le dossier transfrontalier. Quant au Libor, toutes les autorités de surveillance en la matière (le Japon, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la Suisse) ont établi que M. Branson n'était en rien ni impliqué, ni responsable dans cette affaire. Le Conseil fédéral, après enquête, nous a suivis et a approuvé sa nomination.
Même si l'image de la FINMA, déjà très attaquée par les banques et certains parlementaires fédéraux, devait en pâtir?
Le conseil d'administration que je préside était conscient des critiques, voire des soupçons à venir. Nous savions, en le désignant, que nous allions faire face à des critiques. Mais, vous le verrez, Mark Branson est la meilleure personne pour ce poste.
Parce qu'il connaît tous les «trucs» bancaires de l'intérieur?
Non! Mark Branson a été notre choix unanime, parce qu'il a une connaissance profonde du secteur bancaire et financier, et surtout parce qu'il a une expérience démontrée dans le domaine de la surveillance. Enfin, il a noué des contacts des plus précieux sur le plan national et international.
Ces derniers mois, la FINMA a connu trois départs de poids au sein de sa direction. N'y a-t-il pas un «léger» problème?
Absolument pas. Ces départs sont une pure coïncidence, entre un départ à la retraite et une réorientation de leurs carrières professionnelles pour les autres. Mais, en aucun cas, ces départs n'ont péjoré le fonctionnement de la FINMA, car, derrière ces cadres, se trouvent d'autres cadres suppléants, très bien formés et aptes à prendre les rênes en cas de vacance. De plus, pour toutes les opérations, nous avons mis en place des procédures indépendantes des personnes en place.
Pourtant, Patrick Raaflaub se serait senti abandonné, pas soutenu par le conseil d'administration de la FINMA et par vous, en particulier…
Ces rumeurs sont erronées. Il y a une adéquation totale, dans la communication, entre ce que le conseil d'administration a défini comme stratégie, et ce que communique la direction générale. Nous avons toujours soutenu M. Raaflaub, comme nous soutiendrons M. Branson.
Et vous? On vous a dit partante avant la fin de votre mandat…
J'ai déjà démenti, haut et fort, cette rumeur. Mon mandat court jusqu'au 31 décembre 2015 et je resterai jusqu'à cette date.
Mais tout de même, vous êtes extrêmement exposée…
Je reconnais que ma fonction implique une responsabilité lourde. Pourtant, c'est une fonction passionnante. Il est clair que les différents acteurs ont des attentes variées vis-à-vis de la FINMA. Je considère que le meilleur moyen d'y répondre reste d'expliquer ce que la FINMA fait.
Le FMI vient, cette semaine, de fustiger le manque de moyens de la FINMA pour contrôler un secteur financier helvétique aussi important. Cela vous ravit-il?
La FINMA compte actuellement 481 postes équivalent plein temps, et cela nous semble tout à fait suffisant pour remplir les tâches de contrôle qui nous sont confiées.
Le FMI demande plus de postes pour contrôler les banques, et vous pas?
Je pense que le système suisse de surveillance, où une institution étatique comme la nôtre contrôle une partie du système financier, mais où d'autres tâches sont déléguées à des sociétés d'audit privées, avec un mandat clair de la FINMA, est très efficace. Les critiques sont, à mon sens, influencées par l'expérience du FMI avec d'autres organismes de régulation – américains, anglais ou allemands – qui ont fortement augmenté leurs effectifs, après la crise financière. Plus de collaborateurs actifs dans la surveillance ne garantissent pas une plus grande efficacité.
Vous êtes donc satisfaite, alors même, par exemple, qu'Ueli Hoeness, patron du Bayern de Munich, aurait, avec l'aide de Vontobel, caché ces dernières années 600 millions de francs au fisc allemand, ou que ce jeudi, UBS vient à nouveau de suspendre quatre traders pour manipulation de taux?
Je ne peux m'exprimer sur des cas particuliers. Mais il est clair que, suivant la classification que nous faisons des risques encourus par les institutions surveillées, le contrôle que nous exerçons s'accroît ou diminue, en fonction de leurs activités et de leur exposition aux risques. Plus concrètement: moins une banque ou une assurance prend des risques, moins elle subira de contrôle de notre part. A elle, au départ, de prendre conscience des risques, de les gérer et les contenir. Nous ne sommes pas un censeur a priori, un organisme qui voudrait gérer, à la place d'une institution, ses activités. Nous sommes là pour anticiper les dangers et prévenir les acteurs. Et, s'ils passent outre, nous sanctionnons.
Vous montrez une image souple, et pourtant, ce n'est pas du tout ce que disent les banques, qui vous accusent de mettre à mal la compétitivité de la place financière suisse…
Contrairement à ce que l'on croit, nous ne sommes pas partisans de l'hyperréglementation, où chaque détail de l'activité financière devrait être inscrit dans une loi. Il faut, par contre, reconnaître une tendance internationale en faveur d'une réglementation plus dense qui devrait être potentiellement reprise par la Suisse. Ainsi, le Parlement devra songer à adopter les standards internationaux en matière d'échange d'information ou de blanchiment d'argent. L'adaptation à ces règles devient nécessaire pour obtenir un accès aux marchés étrangers. Il incombera au Parlement de décider quelles règles doivent être reprises. En tant qu'autorité de surveillance, la FINMA contribue autant que possible dans les différents organismes internationaux à une harmonisation des règles et, ainsi, à la compétitivité de la place financière.
Après le quasi-krach d'UBS, en 2008, n'y a-t-il plus de risques systémiques de cette ampleur en Suisse? Notamment sur le marché immobilier?
Le risque subsiste encore, même si des pas considérables ont pu être réalisés. Quant au risque lié au marché hypothécaire, nous observons toujours une situation tendue. Si des mesures fédérales ont été prises pour freiner l'offre d'hypothèques, il reste encore un véritable problème du côté de la demande. Nous menons actuellement des discussions avec le secteur financier. Comme la BNS et le Département fédéral des finances, nous sommes convaincus qu'il faut encore établir des critères additionnels communs à tous les acteurs.