Suisse: La Chine aiguise les appétits de la pharma

Publié

SuisseLa Chine aiguise les appétits de la pharma

Les réformes engagées par Pékin dans le domaine de la recherche attirent les géants suisses du secteur pharmaceutique.

L'Empire du Milieu est au centre des intérêts des géants rhénans comme Roche et Novartis.

L'Empire du Milieu est au centre des intérêts des géants rhénans comme Roche et Novartis.

Keystone

Premier pays au monde en termes de population - vieillissante de surcroît - et en plein essor économique, la Chine aiguise les appétits de l'industrie pharmaceutique mondiale.

Les mesures adoptées ces dernières années par Pékin pour doper la recherche locale et surtout l'homologation de nouveaux traitements, contre le cancer en particulier, replacent l'Empire du Milieu au centre de l'intérêt des multinationales du secteur, dont Roche et Novartis, pour ne citer que les deux géants rhénans.

Le premier entend à moyen terme faire du gigantesque pays son deuxième débouché, devant le Japon et derrière les incontournables Etats-Unis. Le second compte en faire au moins l'un de ses trois principaux marchés, avec pas moins d'une cinquantaine de dépôts de demandes d'homologation sur les quatre prochaines années.

«L'accès au marché chinois a longtemps représenté un défi pour les compagnies étrangères, en raison de l'absence de régles claires et de possibilités limitées de remboursement», rappelle Malgorzata Kluba, analyste dans le domaine des biotechnologies auprès de Candriam.

L'adoption en 2016 par le gouvernement central d'une feuille de route en matière de santé, baptisée «Healthy China 2030» et prévoyant d'étendre l'espérance de vie moyenne à 79 ans, a donné le coup d'envoi à une vaste refonte du système de santé, sur la base des pratiques en vigueur aux Etats-Unis et en Europe.

Mutations profondes et rapides

«Depuis l'alignement il y a trois ans sur les directives de l'ICH (International Council on Harmonisation of Technical Requirements for Pharmaceuticals for Human Use, ndlr) par les autorités sanitaires chinoises (NMPA), nous avons assisté à des changements monumentaux dans la manière de mener des études et de collaborer avec des multinationales pharmaceutiques,» souligne en entretien avec AWP Eric Hughes, responsable du développement de Novartis en Chine.

Mais l'élément le plus récent et le plus passionnant de cette transformation réside, selon le responsable, dans la publication d'une liste de médicaments les plus urgemment requis. Novartis a pu, grâce à cette liste, faire homologuer plusieurs produits dans des délais record, à l'image du Cosentyx, approuvé en six mois, ou du Gilenya en seulement trois mois.

Directrice générale des activités du concurrent Roche en Chine, Hong Chow insiste sur l'encadrement des demandes ordinaires d'homologation. «Les procédures avant 2017 étaient très longues et fastidieuses, générant des délais prolongés de quatre à six ans par rapport aux Etats-Unis ou à l'Europe. Ce délai a été ramené à neuf mois pour l'Alecensa (cancer du poumon) par exemple», se réjouit la responsable.

Couverture universelle sélective

Mais plus encore que l'homologation des traitements innovants, la question de leur remboursement par le système de santé chinois constitue un enjeu crucial pour les laboratoires.

«Jusqu'en 2017, la liste nationale des médicaments remboursables excluait les traitements innovants les plus onéreux, comme les médicaments biologiques notamment. Désormais, la couverture universelle comprend cinq des principaux moteurs de ventes (blockbusters) de Roche», signale Mme Chow.

Les multinationales pharmaceutiques ont certes dû se plier à des négociations tarifaires pour faire enregistrer leurs produits, mais la progression des volumes subséquente compense largement l'impact des mesures pour limiter les prix, assure Adeline Salat-Barroux, en charge du secteur de la santé chez Edmond de Rothschild.

«L'Avastin de Roche par exemple a vu ses ventes connaître une croissance phénoménale de plus de 70% en 2018, après avoir été inscrit fin 2017 dans la liste des substances remboursées», illustre l'analyste.

Avec 16% de son chiffre d'affaires réalisé en Chine, le britannico-suédois Astrazeneca se profile comme le laboratoire le mieux positionné pour profiter de l'évolution en cours, mais Roche et Novartis sont également bien placés, estime encore l'experte.

Ambitions affichées

L'alignement rapide de la Chine sur les standards mondiaux permet désormais aux voisins pharmaceutiques rhénans d'articuler des ambitions chiffrées à moyen terme pour ce marché spécifique.

Le directeur général de Novartis, Vasant Narasimhan évoquait ainsi une multiplication par au moins deux des recettes générées localement sur les cinq prochaines années, en partant de deux milliards de dollars actuellement.

Roche - qui emploie près de 7000 collaborateurs en Chine - estimait mi-octobre que sa performance sur les neuf premiers mois de l'année devait beaucoup à une contribution étoffée de 50% dans l'Empire du Milieu. Ce rythme soutenu risque par contre de constituer le rupteur de la croissance dans le pays. Le recettes atteignaient l'an dernier 2,3 milliards de francs.

(ats)

Ton opinion