AustéritéLa crise menace les jours fériés
Dès 2013, les Portugais travailleront à la Fête-Dieu et à la Toussaint. Les Belges songent à supprimer le lundi de Pentecôte. Mais ces mesures de croissance laissent sceptique.
- par
- Eric Felley

Procession religieuse à Fátima (Portugal) le 13 mai dernier.
Dans son programme d'austérité, le Portugal a décidé de supprimer quatre jours fériés, dont la Fête-Dieu et la Toussaint, ce dès 2013 et pour cinq ans. Comme le pays en compte treize, il restera 9?jours fériés, soit l'équivalent de l'Allemagne, du Danemark ou… du canton de Vaud. Le ministre belge Pieter De Crem vient lui aussi de proposer la suppression du lundi de Pentecôte férié: «Ce qui générera immédiatement une croissance économique de quelques pour-cent du produit intérieur brut» a-t-il déclaré.
Fatalisme Si les syndicats belges ont donné de la voix, les Portugais prennent la chose avec fatalisme: «Ces mesures sont impopulaires, relève Antonio Da Cunha, président de la Fédération des associations portugaises de Suisse, mais, ce qui me surprend, c'est la capacité de résignation des Portugais, qui gardent une certaine bienveillance envers leur gouvernement.» Pour lui, la suppression des jours fériés «est une goutte d'eau dans la mer si les gens ne sont pas réceptifs. Cela donne l'impression que les gens sont au travail, mais, s'ils sont fâchés ou indignés, ce ne sera pas efficace en termes de plus-value pour l'économie du pays.» Professeur d'économie à la HEC de Lausanne, d'origine portugaise, Luis Santos Pinto estime: «Une telle mesure peut fonctionner dans un pays qui connaît de la croissance, mais elle ne sera pas efficace dans un pays en récession avec du chômage comme le Portugal.» Pourtant, un jour de travail supplémentaire correspond à une augmentation potentielle de 0,45% du produit intérieur brut (PIB) par rapport à une année de 230?jours ouvrés. En 2004, la France avait introduit une journée dite de «solidarité envers les personnes âgées» après la canicule de 2003. Ce jour était tombé, déjà, sur le lundi de Pentecôte. Depuis, bon an mal an, les employeurs versent 0,3% de leur masse salariale, soit 2 milliards d'euros, dans une caisse de l'Etat français. Cette mesure est aujourd'hui contestée devant le Conseil constitutionnel. Membre de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national, Dominique de Buman (PDC/FR) réagit avec scepticisme quant à l'efficacité de ce genre de mesure: «C'est le signe d'un système qui se déglingue quand on sacrifie des jours consacrés à la spiritualité. Je trouverais plus intelligent de rajouter quelques minutes de travail par jour et de conserver les jours de repos nécessaires à tout le monde.»
Le coût des jours fériés La conseillère nationale Isabelle Moret, vice-présidente du PLR, observe cette situation à l'aune de la Suisse: «Si nous ne voulons pas nous retrouver à suivre ce chemin, il faut rester vigilant. C'est pour cela qu'on s'est battu contre les six semaines de vacances. Chaque jour férié a un coût. Aujourd'hui, je ne demanderai pas qu'on en supprime, mais je ne voudrais pas qu'on en rajoute, comme la gauche aimerait le faire avec le 1er Mai.»