Football: La dernière idée tactique d’Alain Geiger

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FootballLa dernière idée tactique d’Alain Geiger

En repositionnant Gaël Clichy en numéro 6 ces dernières semaines, l’entraîneur servettien a donné d’importantes responsabilités à Anthony Baron. Le jeu grenat en profite. Décryptage avant Servette-Bâle ce jeudi (20h30).

Valentin Schnorhk
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Valentin Schnorhk
Alain Geiger a trouvé le bon moyen de booster la fin de saison de Servette.

Alain Geiger a trouvé le bon moyen de booster la fin de saison de Servette.

BASTIEN GALLAY / GALLAYPHOTO

En cinq ans à la tête de Servette, Alain Geiger a eu le temps d’expérimenter différents systèmes et différentes animations. Certaines idées avaient un intérêt moindre. D’autres ont révélé une ambition et des intentions, à l’instar du losange utilisé pour remonter en Super League. Alors qu’il s’apprête à quitter Servette, le technicien grenat a profité de ces dernières semaines pour mettre en place son dernier «fantasme»: Gaël Clichy en numéro 6. Le Français de bientôt 38 ans sera vraisemblablement aligné à ce poste-là ce jeudi (20h30) contre Bâle à la Praille.

Une idée qui ne se résume pas à mettre un nom sur un tableau. Plus que jamais peut-être, en exploitant au mieux l’intelligence de ses joueurs sûrement, Alain Geiger a fait preuve d’une complexité dans sa réflexion qui est à son crédit. Parce que le repositionnement de Clichy implique un comportement précis chez d’autres joueurs, en premier lieu Anthony Baron. Surtout, cela profite à Servette. La bonne fin de saison des Grenat, sur le point de finir deuxièmes de Super League, passe par là. Décryptage.

La complémentarité au carré

Placer Gaël Clichy en numéro 6 depuis le match contre Lugano du 15 avril n’a choqué profondément personne. Parce qu’il est le joueur le plus intelligent de Servette, et ses qualités d’orientation et d’organisation de la phase offensive ont toujours été une constante depuis sa signature au mois de décembre 2020. L’enjeu pour Servette, c’était d’en profiter collectivement, avec une animation qui serve ce repositionnement.

L’axe de réflexion suivi par Alain Geiger dans ce projet-là s’inspire notamment de Roberto De Zerbi, entraîneur de Brighton, et de son idée de créer une «boîte magique» au milieu du terrain. En Suisse, Mattia Croci-Torti l’a également parfois reproduit avec Lugano en faisant entrer son latéral gauche Milton Valenzuela dans le cœur du jeu. L’enjeu: créer une complémentarité entre les défenseurs centraux, le milieu défensif et un quatrième joueur. À Servette, comme à Lugano, c’est le latéral gauche qui a occupé cette fonction.

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Le «carré» servettien: Les deux centraux Vouilloz et Séverin sont à la relance, Clichy est en 6. Baron quitte son poste de latéral gauche pour venir créer un surnombre à l’intérieur du jeu.

Le «carré» servettien: Les deux centraux Vouilloz et Séverin sont à la relance, Clichy est en 6. Baron quitte son poste de latéral gauche pour venir créer un surnombre à l’intérieur du jeu.

Autre action ici. Le «2+2» à la relance attire l’adversaire. Cognat peut être touché derrière le pressing et accélérer l’action, avec notamment Mbabu qui est lancé.

Autre action ici. Le «2+2» à la relance attire l’adversaire. Cognat peut être touché derrière le pressing et accélérer l’action, avec notamment Mbabu qui est lancé.

Dans cette approche, la mobilité des joueurs être importante et permet de ne pas figer la supériorité en la rendant inefficace. Ainsi, il arrive régulièrement à Servette d’être en «3+1», comme ici, où Clichy s’est placé entre les centraux, laissant Baron dans le cœur du jeu. Un décalage s’ouvrira à droite.

Dans cette approche, la mobilité des joueurs être importante et permet de ne pas figer la supériorité en la rendant inefficace. Ainsi, il arrive régulièrement à Servette d’être en «3+1», comme ici, où Clichy s’est placé entre les centraux, laissant Baron dans le cœur du jeu. Un décalage s’ouvrira à droite.

L’objectif du projet est simple: attirer l’adversaire puis l’éliminer en créant une supériorité au départ de l’action. Ce «carré» en 2+2 doit pouvoir être mouvant. À Servette, en fonction du pressing adverse, il se transforme parfois en 3+1, où les joueurs occupent des rôles différents selon l’action.

D’ailleurs, quand Gaël Clichy n’a pas été là, comme à Winterthour samedi dernier, Samba Lélé Diba s’est impliqué de la même manière (mais avec une qualité moindre). Parce que l’intérêt pour Servette, c’est surtout de pouvoir lancer ses actions de la manière la plus propre possible, en évitant un long ballon incertain.

La révélation Anthony Baron

Dans ce projet, Anthony Baron s’est révélé. Ce latéral gauche de 30 ans, qui avait signé l’été dernier avec les M21, a pris une tout autre dimension sur cette fin de saison. Il est le titulaire à gauche de la défense, mais il est aussi beaucoup plus que ça. Parce qu’il a pris des responsabilités à l’initiation des actions que ses partenaires de derrière prennent peu, voire pas du tout (cf. tableau ci-dessous).

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La palette intéressante de Baron: Capable d’avancer balle au pied, il fixe ici trois Zurichois avant de décaler seul pour progresser.

La palette intéressante de Baron: Capable d’avancer balle au pied, il fixe ici trois Zurichois avant de décaler seul pour progresser.

Sous pression, il a aussi une capacité certaine à chercher et trouver des passes verticales.

Sous pression, il a aussi une capacité certaine à chercher et trouver des passes verticales.

Autre exemple ici, où, du pied droit, il parvient à trouver Cognat derrière les milieux adverses.

Autre exemple ici, où, du pied droit, il parvient à trouver Cognat derrière les milieux adverses.

Peut-être par instinct, sans doute par esprit d’initiative, Anthony Baron n’hésite pas à s’insérer dans le cœur du jeu. Parfois au milieu de terrain, derrière la première ligne adverse. Le plus souvent entre les deux défenseurs centraux, généralement Yoan Séverin et Nicolas Vouilloz, lesquels ne sont pas forcément les meilleurs relanceurs de Super League. Baron, lui, en est proche.

Ses qualités balle au pied sont au niveau de ce qui se fait de mieux parmi les défenseurs de ce championnat. Notamment parce qu’il fait preuve d’une résistance intéressante à la pression et, principalement, d’une qualité de passe vers l’avant plus qu’intéressante. Ainsi, il parvient à trouver des partenaires dans les intervalles, derrière les milieux de terrain adverses. Aussi, son audace balle au pied, dans la conduite de balle permet de créer des décalages. Et ce n’est pas pour rien qu’il a déjà trois passes décisives à son actif cette saison.

Une animation qui profite à tous

Celle de samedi pour Chris Bédia à Winterthour est sans doute la plus révélatrice des responsabilités qu’Anthony Baron a prises dans l’animation servettienne. Après une action qui s’est prolongée lors de laquelle il a été à l’organisation, c’est lui qui a trouvé la passe en profondeur pour le 0-1. Baron a vu la passe, mais surtout il l’a réalisée.

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Le 0-1 à Winterthour: Après une longue séquence, Baron vient se placer entre ses centraux. Séverin, le pied sur le ballon, attend que ce déplacement soit concret avant de lui transmettre la balle.

Le 0-1 à Winterthour: Après une longue séquence, Baron vient se placer entre ses centraux. Séverin, le pied sur le ballon, attend que ce déplacement soit concret avant de lui transmettre la balle.

Sa vista et sa qualité de passe permettent de lancer parfaitement Bédia au but.

Sa vista et sa qualité de passe permettent de lancer parfaitement Bédia au but.

Mais au-delà de ça, le replacement de Clichy au milieu de terrain ainsi que l’affirmation de Baron ont permis à Servette d’exploiter collectivement certaines qualités individuelles présentes dans l’effectif grenat. La structure est en effet de moins en moins symétrique, ce qui permet à Kevin Mbabu d’évoluer dans un registre plus haut et d’être délesté de certaines taches préventives. Les Grenat font reculer l’adversaire de la sorte, et ils sont capables d’exploiter les qualités du latéral droit genevois dans le dernier tiers.

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L’asymétrique structure servettienne avec le ballon: Le rôle qu’occupe Baron à la relance, étant très axial, permet de libérer Kevin Mbabu sur le côté droit. Stevanovic, lui, se recentre quelque peu, mais il peut aussi demander des ballons entre les lignes.

L’asymétrique structure servettienne avec le ballon: Le rôle qu’occupe Baron à la relance, étant très axial, permet de libérer Kevin Mbabu sur le côté droit. Stevanovic, lui, se recentre quelque peu, mais il peut aussi demander des ballons entre les lignes.

À l’opposé, c’est Patrick Pflücke qui occupe le plus souvent le couloir gauche, de manière très isolée. Cette largeur offre des espaces à l’intérieur. Ici, c’est Cognat qui l’exploite en recevant une nouvelle passe de Baron.

À l’opposé, c’est Patrick Pflücke qui occupe le plus souvent le couloir gauche, de manière très isolée. Cette largeur offre des espaces à l’intérieur. Ici, c’est Cognat qui l’exploite en recevant une nouvelle passe de Baron.

À l’opposé, Patrick Pflücke a un rôle un plus isolé sur l’aile gauche (où le jeu passe un peu moins), mais il y est également plus libre. Enfin, tout cela confère moins de responsabilités à Timothé Cognat au départ des actions, le Français pouvant profiter de la largeur donnée par Mbabu et Pflücke pour s’exprimer entre les lignes, où ses appuis courts et sa vivacité restent pertinents.

Tous gagnants? Presque, même si Miroslav Stevanovic a dû s’éloigner de sa zone préférentielle pour faire de la place à Kevin Mbabu. Mais leur complémentarité a fait merveille ces dernières semaines. Alain Geiger a réussi son dernier coup.

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