ItalieLa doyenne de l'humanité s'est éteinte à 117 ans
Emma Morano, qui est décédée samedi à Verbania (Piémont), était considérée comme une grande féministe car elle avait osé quitter un mari violent en 1938.
- par
- Ariel F. Dumont

Emma Morano (ici en 2016 à côté d'un portrait la représentant dans ses jeunes années) était la dernière survivante du XIXe siècle.
Le 29 novembre dernier, le jour de son 117e anniversaire, elle avait encore chanté d'une voix frêle mais gaie «Parle-moi d'amour, Mariù». La doyenne de l'humanité, Emma Morano, est morte samedi à l'âge de 117 ans et 137 jours. Née en 1899, la dernière survivante connue du XIXe siècle n'a pourtant pas chanté l'amour tous les jours de sa vie, puisqu'elle vivait seule depuis 70 ans.
Le soir de son dernier anniversaire, un spectacle avait été organisé en son honneur à Verbania, une commune piémontaise située non loin de la frontière suisse, où elle vivait cloîtrée dans un deux-pièces depuis de nombreuses années. Considérée comme un symbole du féminisme car elle avait quitté son mari qui la battait en 1938 – un geste impensable à l'époque –, Emma Morano représentait toutes les femmes maltraitées et c'est ce que voulait raconter ce spectacle.
Emma Morano racontait avec des mots simples son existence. Elle était née sous le règne du pape Léon XIII. Le football venait tout juste d'être inventé et l'Italie n'était pas encore une république. «J'ai vu passer onze papes, j'ai vécu dans un monde où le téléphone portable, la radio et Internet n'existaient pas mais je connaissais toutes mes prières en latin», avait-elle confié il y a quelques années.
Son premier grand amour était mort au front durant la Première Guerre mondiale. Une douleur qui ne l'a jamais quittée. Puis elle avait rencontré un autre homme. Elle avait été séduite et la jeune femme avait de nouveau cru au bonheur. En 1937, alors que le bruit des bottes commençait à résonner en Italie et en Allemagne, elle avait perdu son fils unique âgé de six mois. L'année suivante, elle avait décidé d'abandonner son mari qui la battait. Après cela, elle n'avait plus jamais voulu vivre avec un homme. C'était trop difficile, disait-elle en souriant.
Trois œufs par jour
Le secret de sa longévité, elle l'attribuait à son régime qu'elle suivait depuis l'âge de 20 ans. Pour soigner son anémie, un médecin lui avait conseillé à l'époque de manger trois œufs par jour, deux crus et un cuit. Durant sa vie, elle a bien dû en ingurgiter plus de cent mille. Et elle ne mangeait que très peu de fruits et de légumes, contredisant toutes les recommandations des nutritionnistes modernes,
L'autre secret de son grand âge, c'était le travail, affirmait-elle. Car jusqu'à 75 ans, Emma avait bossé. D'abord dans une usine textile – un job qu'elle avait dû quitter car la poussière lui donnait des allergies et la faisait tousser – puis dans un institut religieux, le collège Santa Maria. Au cours des ans, sa célébrité avait dépassé les frontières de sa commune et de nombreuses médailles lui avaient été remises. Elle affichait d'ailleurs avec orgueil celle de chevalière de l'Ordre du mérite que lui avait remise le président de la République Giorgio Napolitano.