DiversitéLa fin des petites enseignes dans les gares?
Les CFF affirment réserver un tiers de l'espace aux commerces locaux. Les chiffres montrent de grandes disparités.
- par
- Sarah Zeines

Depuis que la gare Cornavin, à Genève, a subi une rénovation d'envergure, les grandes enseignes dominent le hall central.
Le monde des pendulaires est en émoi. Après l'annonce du remplacement de la Brasserie de la Gare à Fribourg par un Starbucks à la fin du mois, les réactions sont vives sur les réseaux sociaux. Une émotion amplifiée par la disparition, fin 2015, de l'historique Buffet de la Gare de Lausanne, condamné à être supplanté prochainement par une chaîne de restaurants végétariens. «Nous serons beaucoup à regretter un lieu de convivialité local, qui va disparaître au profit d'un lieu austère», s'attriste un habitué du restaurant fribourgeois dans un courrier au «Matin».
Les CFF vont-ils remplacer toutes les enseignes historiques par de grandes chaînes nationales et internationales? L'ex-régie fédérale s'en défend. En théorie, un tiers des surfaces commerciales des gares sont réservées à des établissements locaux. Une proportion qui inclut aussi les «prestataires de services», comme les avocats ou les dentistes. Les chiffres montrent toutefois des situations très contrastées d'une gare à l'autre.
Pot de terre contre pot de fer
Dans cinq villes romandes – Genève, Lausanne, Fribourg, Neuchâtel et Bienne –, les enseignes arborent souvent les logos des «puissants». Notamment dans les lieux ayant subi de gros travaux au cours de ces dernières années ou en attente d'une rénovation d'envergure.
C'est ce qui pourrait arriver à Lausanne. «Notre bail se termine fin 2017, lorsque débuteront les grands travaux dans notre partie de la gare», soupire Philippe, patron de Best Price, une petite boutique d'objets électroniques. Ce passionné se consacre corps et âme à son activité dans son local depuis plus de 15 ans. «Les CFF voulaient nous faire partir, mais nous avons gagné deux procès contre eux, en 2008 et en 2013, relève le tenancier. Comme les autres gérants, nous payons 8% de notre chiffre d'affaires en loyer.» Un tarif que les CFF se refusent à confirmer.
Dans son décompte des enseignes locales, les CFF incluent les commerces gérés par de grandes chaînes sous un autre nom. A l'instar du self-service Greens à la gare Cornavin, ou encore de Coffee & Friends à Fribourg, tous deux sous la mainmise du géant Autogrill. «Lorsqu'un grand groupe gère une petite affaire, elle n'a plus rien de local, souligne Guillaume Morand, patron des boutiques Pomp it Up et défenseur engagé du commerce de détail. C'est triste que les indépendants soient poussés à fermer. Cette tendance s'observe par ailleurs partout, à l'intérieur comme à l'extérieur des gares.»
Rentabilité maximale
Du côté des CFF, on tempère. «Nous effectuons des appels d'offres et sélectionnons la meilleure pour nos clients, assure Frédéric Revaz, porte-parole. Dans une gare, les critères sont exigeants. Il faut pouvoir servir rapidement les clients tout en garantissant la qualité. De même, l'organisation doit garantir une exploitation sur des horaires élargis, de 6 h à 22 h, ce qui n'est pas une sinécure.» Et de préciser: «La diversité dépend surtout de la variété des produits et services qui sont proposés aux clients, et non pas de l'enseigne.»
Un point de vue que ne partage pas Guillaume Morand, de Pomp it Up: «Les CFF sont dans une politique de rendement maximal. Plus personne n'a les moyens d'y accéder à moins d'être un géant», regrette-t-il.