ManifsLa France va-t-elle interdire l'arme suisse qui crève les yeux?
Le Conseil d'Etat doit apprécier mercredi l'usage du LBD 40 par les forces de l'ordre. Une vingtaine de gilets jaunes ont déjà perdu un œil.
- par
- Eric Felley

Samedi dernier, la blessure à l'œil du gilet jaune Jérôme Rodrigues a relancé la polémique autour du lanceur de de balles de défenses (LBD), fabriqué à Thoune en Suisse. La Ligue des droits de l'Homme demande son interdiction.
Samedi dernier, lors de l'Acte XI des gilets jaunes, une des figures du mouvement, Jérôme Rodrigues, a été grièvement blessé à un œil. Son image a fait le tour des réseaux sociaux. Pour les manifestants, il ne fait de doute qu'il a été touché par un projectile lancé par un LBD 40, ce que dément la police. Ce nouveau cas d'éborgnement s'ajoute à une vingtaine d'autres depuis le début des manifestations. En France, l'utilisation de cette arme, de fabrication suisse, est plus que jamais contestée.
Recours de la Ligue des droits de l'Homme
Mais les forces de l'ordre y tiennent. C'est aujourd'hui que le Conseil d'Etat en France est saisi de la problématique. Rappelons qu'en France, le Conseil d'Etat est la juridiction suprême pour les activités des administrations publiques. Des recours contre le LBD 40 ont été déposés auprès de cette instance par le syndicat CGT et la Ligue des droits de l'Homme (LDH).
Fabriqué à Thoune par l'entreprise Brügger et Thomet, ce lanceur projette des balles en caoutchouc et des grenades fumigènes ou lacrymogènes jusqu'à 40 mètres. Le défenseur des droits, Jacques Toubon, a demandé d'arrêter son utilisation. Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, le défend, tout en suggérant que les policiers qui l'utilisent portent des caméras piétons.
Dans son édition du jour, «Le Figaro» résume les arguments des deux camps.
Pourquoi l'interdire?
- le LBD 40 mutile et cause des dommages irréversibles. «Il faut arrêter de dire que ces armes ne sont pas létales, leur non-létalité n'est pas prouvée!», affirme Me Arié Alimi, l'avocat de la LDH.
- C'est une atteinte au droit de manifester. Leur usage dissuade les Français d'aller manifester.
- Sa dangerosité est disproportionnée. «Cette arme a un degré de dangerosité disproportionné au regard des objectifs du maintien de l'ordre», selon Jacques Toubon.
- Le LBD 40 n'est pas assez précis. Jacques Toubon: «Au cours d'une manifestation où les personnes visées sont généralement groupées et mobiles, le point visé ne sera pas nécessairement le point touché...» A ce sujet la firme suisse a expliqué que cette imprécision venait des munitions utilisées par les Français.
- Cette arme participe à l'accroissement du niveau de violence des manifestations.
Pourquoi la conserver?
- Pour protéger les forces de l'ordre. «Le retrait de ce type de matériel mettrait en danger les fonctionnaires de police», justifie Jean-Louis Courtois, expert en armes auprès de la Cour d'appel de Paris. C'est «un mal nécessaire».
- C'est une arme de «compromis». Selon la police: «Le LBD constitue en effet un compromis entre le contact physique, particulièrement dangereux pour tous les acteurs du maintien de l'ordre, manifestants comme policiers, et des moyens ou des armes plus puissants».
- Si on supprime le LBD, il y aura des morts par balles.
- Ces armes non létales sont maintenant plus précises que les flash-balls et leur puissance a été réduite: «Le projectile envoyé ne perfore pas»
- Les blessures sont des erreurs. Selon la police: «Les cibles sont mouvantes et dans une situation d'extrême urgence ou de panique, la balle en caoutchouc peut heurter un visage par erreur ou maladresse.»
Après avoir entendu les parties, le Conseil d'Etat devrait décider de l'avenir du LBD 40 dans les 48 heures.