VaudLa Lausannoise qui a vidé un chargeur sur sa fille recourt au TF
La sexagénaire, qui a cloué sa fille dans un fauteuil, conteste sa peine de 8 ans ferme confirmée par le Tribunal cantonal. La préméditation écartée, son avocat saisit le Tribunal fédéral.
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Fin juin 2019, l'ex-pharmacienne d'origine italienne écopait de 8 ans de prison pour tentative d'assassinat sur sa fille. Âgée aujourd'hui de 64 ans, la mère de Patrizia Mori, dont l'histoire a ému bien au-delà de nos frontières, avait fait appel de cette première condamnation du Tribunal d'arrondissement de Lausanne. Son avocat Me Fabien Mingard avait contesté la peine et la qualification de tentative d'assassinat auprès du Tribunal cantonal (TC). Il concluait à 5 ans ferme pour tentative de meurtre, excluant l'acte prémédité.
Le TC écarte la préméditation
La Cour d'appel pénale confirmait mi-novembre l'appréciation des premiers juges de Montbenon tant s'agissant de la quotité de la peine – 8 ans ferme – que de la qualification juridique – tentative d'assassinat –. En revanche, les juges cantonaux, dans leur jugement motivé et notifié le 14 janvier aux parties, ne retiennent pas la préméditation contrairement à la Cour criminelle de première instance.
«Le Tribunal cantonal (TC) a donné raison à ma cliente sur ce point capital, note le défenseur de la prévenue. Il n'a cependant ni requalifié la tentative d'assassinat en tentative de meurtre ni même réduit la peine.» Une aubaine pour l'homme de loi qui s'engouffre précisément dans cette brèche pour recourir auprès du Tribunal fédéral.
«Elle a appelé les secours»
Outre l'absence de préméditation, les arguments de Me Mingard sont similaires à ceux développés devant le TC: «La façon d'agir et le comportement de ma cliente juste après ses agissements – elle lâche l'arme alors qu'elle voit que sa fille est encore en vie et appelle les secours – relèvent plutôt, au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, de la tentative de meurtre. En outre, je soutiens que le Tribunal cantonal n'a pas suffisamment tenu compte de la diminution moyenne de responsabilité pénale de ma cliente, retenue par les experts psychiatres.»
Autre élément déployé par l'avocat de la défense: «La dimension émotionnelle ayant conduit à l'acte, étant rappelé que les experts ont également retenu, au moment des faits, une accumulation de stress, une symptomatologie dépressive qui s'intensifiait, des troubles du sommeil et un moment d'épuisement psychique et d'intense désespoir, dans une logique de disparition.»
Retrouver ses jambes
La tête et les jambes. Patrizia Mori, 27 ans au moment des faits, avait tout pour réussir jusqu'au 29 juin 2017. Ce jeudi noir, en fin de journée, la ravissante jeune femme subit les assauts d'une mère alcoolique, dépressive, surmédiquée, suicidaire, insomniaque. Tireuse sportive, cette dernière vide le chargeur de son Beretta 87 Target sur la chair de sa chair. Une seule balle dans le dos suffira à la rendre paraplégique. Des autres impacts, Patrizia réchappera miraculeusement après deux arrêts cardiaques et une aorte atteinte.
Depuis, elle se bat pour retrouver sa motricité avec des méthodes américaines pas encore homologuées en Suisse. Et non remboursées par les assurances, ce qui l'a contrainte à lancer une plate-forme de financement participatif. Sur le plan affectif et psychologique, elle lutte, aussi. Elle a très vite pardonné à sa mère. Elle demande une justice plus clémente pour son bourreau. Et se débat au milieu de ressentis violents et extrêmes.
Evelyne Emeri
evelyne.emeri@lematin.ch