Enfant décédé: «La pédiatre doit être sanctionnée»

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Enfant décédé«La pédiatre doit être sanctionnée»

Pour le Parquet, la cheffe de clinique du CHUV a bien violé le devoir de prudence et fait preuve d'une négligence coupable. Un garçonnet de 9 ans en est mort.

par
Evelyne Emeri
Me Gilles Monnier, avocat de la doctoresse (de dos), plaidera l'acquittement ce matin. Le père et le frère aîné de Joao* (à dr.) espèrent que la justice reconnaîtra enfin l'erreur de la cheffe de clinique.

Me Gilles Monnier, avocat de la doctoresse (de dos), plaidera l'acquittement ce matin. Le père et le frère aîné de Joao* (à dr.) espèrent que la justice reconnaîtra enfin l'erreur de la cheffe de clinique.

Sébastien Anex

Hier après-midi, à Lausanne, juste après les conclusions du réquisitoire de la procureure Laurence Boillat, Fatima*, Marocaine de 39 ans, a quitté la salle d'audience pour se réfugier aux toilettes. Une gifle et une blessure pour cette pédiatre confirmée dont le parcours est exemplaire et qui vit, depuis quatre ans et demi, avec un lourd fardeau. Le poids d'une «malheureuse erreur et non d'une incompétence» comme l'a qualifié le ministère public, qui a requis une sanction légère pour homicide par négligence: 50 jours-amendes, assortis du sursis durant deux ans, et une amende de 500 francs. En revanche, le parquet estime que la culpabilité et la faute de la doctoresse, qui «a mésestimé la gravité du cas» du jeune Joao*, doivent être retenues et que la médecin doit être condamnée, sans pour autant être «accablée».

Diagnostic présumé: une gastro

Ce samedi 7 septembre 2013, vers 17 h 40, le garçonnet arrive avec son père et son grand frère aux urgences de l'Hôpital de l'Enfance à Lausanne. Il se plaint de maux de ventre et de douleurs aux articulations, il vomit et a la diarrhée. Son état de faiblesse inquiète ses proches. «Il n'était pas bien, il était vraiment pâle, il n'arrivait plus à parler, il me montrait son cœur», raconte à la Cour l'aîné du petit Joao. Une infirmière, un infirmier, une médecin assistante – disculpée en cours d'instruction – puis Fatima*, cheffe de clinique, se succèdent à son chevet. Deux examens cliniques et une prise de sang plus tard, les deux collègues concluent à une virose (ndlr: infection par un virus), qui lui occasionne une gastro-entérite.

Rassurée et confiante, la famille portugaise rentre à la maison vers 23 h. Quelques minutes plus tard, Joao perd connaissance. Malgré l'intervention d'urgentistes, il ne se réveillera plus jamais. Son décès est dû à une myocardite (ndlr: inflammation du muscle cardiaque), qui peut être fulminante selon le type de virus, précisément révélé par l'autopsie.

La justice vaudoise a fait appel à deux experts des HUG. Ceux-ci ont estimé que le jeune garçon était en état de préchoc, si l'on tient compte du tableau clinique dans son ensemble (fréquence cardiaque augmentée, tension basse, pâleur et extrémités froides), qui fait penser à un problème cardio-respiratoire. Le cumul de valeurs basses, en dessous de la moyenne, aurait dû alerter la praticienne.

Le garder en observation

Pour eux, si ce préchoc avait été identifié par Fatima, son petit patient aurait été hospitalisé et des investigations plus poussées auraient possiblement permis d'en connaître la cause, partant, d'éviter l'issue fatale. Bouleversé, le père de Joao a tenté de s'exprimer: «La douleur est toujours là. C'était la personne qui m'accompagnait.» La parole se referme, noyée par de gros sanglots.

Les avocats des parties plaident ce matin. Sans surprise, la défense demandera l'acquittement et balaiera tout lien de causalité entre la prise en charge de l'enfant et son décès peu après.

* Prénoms d'emprunt

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