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Votations du 9 févrierLa presse romande pointe le clivage entre deux Suisse

Après le oui à l'initiative UDC «Contre l'immigration de masse» dimanche, la presse romande souligne le clivage entre deux Suisse et s'interroge sur les défis à venir. Côté alémanique, les réactions sont plus contrastées.

Dans son éditorial, Le Temps, qui montre en Une un dessin de Chappatte montrant un douanier suisse baissant les frontières sous le titre «Bruxelles on a un problème...», tente de décortiquer le scrutin de dimanche, affirmant qu'«une partie de ce pays a peur de l'évolution en cours», alors que le Tessin, très exposé aux frontaliers, a exprimé son «exaspération». Selon le quotidien, la Suisse des campagnes est «désécurisée» et «semble ne percevoir que les aspects négatifs qui naissent en période de forte croissance». Le Tempsrelève aussi qu'outre-Sarine, l'UE est considérée comme une ennemie, «y compris dans les milieux économiques connus pour être europhobes par principe».

De son côté, Le Matin ne mâche pas non plus ses mots: la Suisse alémanique «s'est recroquevillée sur ses petites certitudes, jalouse de ses privilèges et nostalgique d'un temps glorieux qui n'existe que dans les tableaux d'Anker», écrit le quotidien orange qui titre en une: «Et maintenant on fait quoi?»

«Fracture béante»

Rejoignant ses confrères, Le Quotidien jurassien parle de «fracture béante entre Suisse romande et Suisse alémanique». Il met le résultat du scrutin sur le dos des autorités, «pas assez strictes dans le contrôle des mesures d'accompagnement».

Le scrutin constitue aussi un signal d'une «Suisse qui souffre, peine à finir le mois et craint pour son avenir», rapporte Le Courrier.

24 heures, qui montre sur sa une un dessin de Bürki montrant Christoph Blocher sur le podium, médaille d'or au cou, avec des skis en forme de barrière de frontière, pointe pour sa part la «déconnexion des institutions avec une partie de la population», qui écoute «les sirènes populistes de l'UDC» et «saute dans l'inconnu en croyant choisir la sécurité». Il évoque une autre Suisse plus confiante en l'avenir et rationnelle (dont fait partie le canton de Vaud), qui a désormais «du souci à se faire», le pays s'étant «inventé une crise majeure».

«Gifle à l'Europe»

La Liberté souligne la tâche ardue du Conseil fédéral. Le gouvernement devra convaincre les 28 pays de l'UE de boire un bouillon où ont mijoté «les vieux poireaux des initiatives contre la surpopulation étrangère, les carottes recuites du combat contre l'Espace économique européen (EEE) et des gousses d'ail rassis de l'initiative contre les minarets». Le quotidien fribourgeois prévoit «une ère de glaciation» entre Berne et Bruxelles.

Pour la Tribune de Genève, qui publie en une un dessin de Herrmann montrant une table de négociation cassée en deux sous le titre «La rupture», le retour aux contingents «claque comme une magistrale gifle à l'Europe». Le journal genevois se demande comment sortir de ce «mauvais pas», entreprise qui exigera un «supplément de génie et de pragmatisme». Les besoins des cantons et des sociétés ne doivent pas être limités par les contingents, Genève nécessitant pour sa part 27'000 autorisations à l'embauche d'étrangers par année, ajoute la Tribune de Genève.

L'Express et L'Impartial veulent eux garder espoir: «Reste que le vote d'hier aura peut-être un aspect positif: le oui à l'initiative pourrait amener certains milieux patronaux à ne plus simplement considérer la main-d'œuvre étrangère comme une simple manière d'exercer une pression sur les salaires. Une sous-enchère qui a pesé lourd dans le choix de nombreux citoyens helvétiques au moment de remplir leur bulletin de vote», notent les quotidiens neuchâtelois dans un édito commun.

D'après L'Agefi cependant, il n'est pas nécessaire de revenir au vieux régime des contingents. Une alternative libérale serait de vendre le droit d'immigrer, un montant «raisonnable» pour la Suisse pouvant se situer autour de 50'000 francs, selon un expert interrogé par le quotidien économique.

«Victoire» pour tous

Les journaux alémaniques s'attardent notamment sur la signification historique du vote. Comme plusieurs quotidiens romands, ils relèvent le paradoxe entre le scrutin de dimanche, qui menace les accords bilatéraux, et le rejet de l'EEE par le peuple en 1992. Les bilatérales avaient alors été prônées par l'UDC comme alternative au non-rapprochement avec l«UE.

«Il est certain que le 'oui' au texte de l'UDC n'est pas favorable à l'économie suisse et, partant, au bien-être de la population», note la Neue Zürcher Zeitung.

Un avis pas partagé par la Basler Zeitung, pour laquelle «toute la Suisse» a remporté une «victoire»: le journal bâlois juge pourtant ce scrutin comme étant peut-être «la plus grande défaite jamais subie pour l'économie et les syndicats».

A l'étranger, le vote suisse fait parler de lui...

(ats)

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