AlcoolLa prévention joue la carte de la honte
La nouvelle campagne de l'OFSP contre l'abus d'alcool ne s'attaque pas aux effets sur la santé, mais aux comportements gênants qui en découlent.
- par
- Cléa Favre

36% des filles et 25% des garçons de 15?ans ayant bu de l'alcool dans le mois ont dit ou fait quelque chose d'embarrassant.
Blouson de cuir, bottes noires et tatouage: un homme titube plus qu'il ne danse. Il finit par balancer sa guitare et se déshabiller. Sous sa tenue de rocker apparaît alors une sage chemise à rayures. Le personnage pose ensuite sa bière et le message suivant s'affiche sur l'écran: «Se lâcher sans exagérer. L'alcool modifie la perception.»
Un bon angle d'attaque
Ce clip – diffusé à partir de demain sur les réseaux sociaux – s'inscrit dans le cadre de la nouvelle campagne de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) contre l'abus d'alcool. Dans le collimateur de celui-ci et contrairement aux messages de prévention classiques qui ciblent la santé: les comportements parfois embarrassants qui découlent d'une consommation excessive. «Quand on parle d'alcool, on pense en général aux dégâts sur le foie ou aux cancers. Nous voulions mettre le projecteur sur une problématique différente qui peut paraître anecdotique, mais qui ne l'est pas et qui concerne beaucoup de gens n'ayant pas forcément une consommation très importante, explique Adrien Kay, son porte-parole. Le but est de faire s'interroger la population sur elle-même. A partir de quand l'alcool est-il un problème?»
Cet angle d'attaque est une excellente idée, selon Emmanuel Kuntsche, responsable du secteur recherche ad interim à Addiction Suisse. «On sous-estime le problème. Même avec des quantités d'alcool relativement faibles, l'attention diminue, tout comme la capacité à bien interpréter les gestes et les paroles des autres. Cela peut engendrer des malentendus, déclencher des disputes au sein du couple ou entre amis…»
Une perception modifiée de la réalité, un flou dans les limites à respecter peut amener quelqu'un à diffuser un secret ou dévoiler des éléments de son intimité à ses collègues. Des petites choses, mais qui seront regrettées le lendemain. «Cela peut être aussi bien plus grave: harcèlement, rapports sexuels non protégés, actes de violence, accidents de voiture, viols…»
Les chiffres de l'étude «Health Behaviour in School-aged Children», menée en 2014, ne sont pas rassurants: parmi les jeunes de 15 ans ayant consommé de l'alcool dans le mois, 36% des filles et 25% des garçons ont dit ou fait quelque chose d'embarrassant. Ces dérapages alcoolisés peuvent d'ailleurs prendre des dimensions dramatiques à travers les réseaux sociaux.