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FootballLa rotation de «Sir Alex» à l'épreuve du Real

Aucun géant d'Europe ne fait tourner son effectif comme à Manchester United, sous la houlette d'Alex Ferguson. Est-ce la bonne recette pour reconquérir la Ligue des champions?

Mathieu Aeschmann
par
Mathieu Aeschmann
Reuters

On ne change pas une équipe qui gagne, paraît-il. Malgré un écho planétaire, ce célèbre adage peine à trouver une oreille attentive du côté de Carrington. Jugez plutôt. Au fil de des 37 matches disputés cette saison par Manchester United, Sir Alex Ferguson n'a jamais aligné deux fois de suite le même onze de départ.

Phénomène unique parmi les «Grands d'Europe», cette répartition des tâches quasi socialistes n'en finit plus de triompher en Angleterre. Mais que révèle-t-elle sur le management du «Vieux Sage»? Et surtout, cette méthode aux 12 titres nationaux convient-elle à la Ligue des champions, terre d'excellence et d'orgueil qui ne s'offre qu'aux meilleurs?

Tourner pour souffler

«Avec Ferdinand, Scholes ou Giggs, certains de ses cadres ne sont plus tout jeunes ce qui suppose de les économiser, note déjà Yves Débonnaire pour expliquer la méthode. Et avec des attaquants du niveau de Rooney, van Persie, Chicharito et Welbeck, Alex Ferguson peut se permettre de varier ses compositions.» En effet. Mais un coup d'œil statistique révèle que des clubs comme le Barça, le Bayern et le Real n'exploitent pas leur richesse avec autant de précautions (lire ci-contre).

Trois données chiffrées résument par exemple l'écart de management qui sépare «Sir Alex» de José Mourinho avant la première manche de leur duel au sommet. A Manchester, 22 joueurs ont disputé cette saison plus de dix rencontres contre 19 à Madrid. Plus significatif encore, 12 joueurs du Real compilent plus de 25 matches contre seulement 8 à MU. Enfin l'incontournable Ronaldo cumule 33 titularisations (en autant d'apparitions) alors que son alter ego mancunien Robin van Persie en affiche «que» 26 puisqu'il a accepté de prendre place sur le banc à cinq reprises.

Le ressort psychologique

«Selon moi, ces chiffres suggèrent deux gestions antagonistes, détaille l'ancien Sédunois Alain Gaspoz, actuellement en train de passer sa licence UEFA A à Macolin. Alors que José Mourinho aime bien piquer au vif ses joueurs par des décisions ponctuelles, Alex Ferguson parvient à éviter les frustrations grâce à sa science de la rotation. Avec lui, aucun joueur n'est au-dessus des autres et, du coup, tout le monde se sent concerné.»

Une gestion des ego qui se traduit par une composition d'équipe à deux étages. Soit une colonne vertébrale composée de tauliers à plus de 25 titularisations cette saison: De Gea, Rafael, Evra, Carrick et van Persie. Puis une «force d'appoint» constituée d'éléments stables (Rooney, Evans, Cleverley) et agrémentée des hommes en forme du moment. «Alex Ferguson est aussi secret qu'efficace dans la gestion psychologique de son contingent, confirme Yves Débonnaire. A Manchester, le club est plus important que n'importe quel joueur. Ainsi chaque titularisation est vécue comme une opportunité. Les gars se disent: «c'est mon tour, je dois me montrer à la hauteur.»

Un manque de repères?

Reste que cette gestion versatile de l'effectif malmène la notion d'équipe type. «Or en Ligue des champions, il n'y a jamais de surprises, prévient Yves Débonnaire. A un ou deux postes près, ce sont toujours les mêmes qui jouent.» Un constat qui suggère naturellement cette question: MU peut-il souffrir ce soir du «peu» de vécu commun de ses onze titulaires? «A ce niveau d'excellence, je ne le pense pas», répond l'instructeur de l'ASF. «MU construit toute sa saison sur cette notion d'animation collective qui prime sur l'identité des hommes, surenchérit Alain Gaspoz. Je me méfierais plutôt de la solidité de sa défense.» Dimanche contre Everton, elle était composée de Rafael, Vidic, Evans et Evra. Donc si «Sir Alex» reste fidèle à ses principes, Rio Ferdinand devrait jouer ce soir (avec Evans). On parie? mathieu.aeschamnn@lematin.ch gA Manchester, le club est plus important que n'importe quel joueur

22 Joueurs de MU qui ont disputé plus de 10 matches cette saison. Bien plus que le Real (19), le Barça (19) et le Bayern (18).

8 Membres de l'effectif qui ont participé à plus de 25 parties. Contre 11 au Real et 12 au Barça. Preuve de la rotation maison. 9 Joueurs de MU qui ont été titulaires au moins 20 fois. Comme au Real (9) mais moins qu'au Bayern (10) et au Barça (12).

29 Titularisations pour Patrice Evra, qui font de lui le joueur le plus utilisé de MU. Quatre matches de moins que Ronaldo (33).

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