ÉditorialLa Suisse, ce pays «frugal» par excellence
Plan de relance européen: si la Suisse était dans l’UE, c’est certain qu’elle aurait rejoint le camp des «frugaux» avec l’Autriche et les Pays-Bas. Rien n’est gratuit, rappelle cet été le PLR au PS.

- par
- Eric Felley

La semaine dernière sur les bords du Léman à Vevey, une ambiance estivale et «frugale» devant la fourchette de l’Alimentarium…
Les vifs débats sur la scène européenne concernant le plan de relance post Covid ne manquent pas d’interpeller vu de Suisse. On assiste à une sorte de röstigraben européen. D’un côté les pays du Nord dits «frugaux» – Suède, Pays-Bas, Danemark, Autriche et Finlande – ne veulent pas d’une aide massive à fonds perdu envers les pays du Sud, en particulier Italie et Espagne. Ce sont les Germaniques contre les Latins. La logique du prêt contre celle des subventions.
Le frein à l’embonpoint budgétaire
Dans ce débat, l’Union européenne montre un visage fédéraliste. Les 27 sont à la recherche d’un compromis pour une décision finale unanime, voilà qui est très helvético-compatible. Si la Suisse faisait partie de l’UE, elle aurait rejoint le camp des «frugaux», qui privilégient les régimes minceurs et les freins à l’embonpoint budgétaire. En Suisse, la question de la nature du plan de relance a été vite tranchée. La Confédération cautionne des prêts aux entreprises par le truchement des banques. Pour survivre à l’épidémie, il faut s’endetter. Seul l’accès au chômage a été étendu et financé par la Confédération. Pour le reste, les cantons romands ont adopté des mesures plus généreuses en complément de l’offre fédérale.
Que d’arroseurs arrosés dans ce pays
Ce débat européen nous sort de la torpeur politique estivale. Il fait écho en Suisse à une attaque du frugal PLR contre le dispendieux PS. Le premier accuse le second de vouloir étendre la gratuité aux crèches, aux transports publics, aux masques de protection, aux musées, aux tampons hygiéniques et même aux vacances… Il accuse le PS de sortir son arrosoir «pour distribuer des cadeaux gratuits financés par nos impôts…» C’est une vieille rengaine, mais est-ce le bon moment à droite pour se plaindre, alors qu’un grand nombre d’entreprises privées ont mis leurs employés au chômage partiel et sont bien contentes d’avoir l’aide de l’État? Et si, en Suisse, le système de l’arrosoir n’arroserait finalement que les plus riches? Ce n’est pas le milliardaire zurichois Christoph Blocher, qui a réclamé sa rente de 2,7 millions de francs, qui dira le contraire. Que d’arroseurs arrosés dans ce pays!
Mais le PLR a raison, rien n’est gratuit, tout a un coût. Si les riches veulent rester riches en Suisse, ils doivent assumer le coût social. Il n’y a pas de richesses sans partage. Il n’y a que l’air qui est gratuit. Et encore, en ce moment, il faut mettre un masque payant. L’air a ainsi perdu un peu de sa gratuité, tout en créant une nouvelle source de profit. Business as usual, comme on dit.