StatistiquesLa Suisse, eldorado des droits de l'enfant
Une nouvelle étude sur la protection infantile place la Confédération à la 5e position d'un classement mondial. Une amélioration de six rangs par rapport à 2015. Explications.
- par
- Sarah Zeines

Les enfants suisses sont parmi les mieux protégés du monde, selon une étude récente.
La Suisse serait-elle un paradis en matière de protection de l'enfant? «Elle est très bonne joueuse», assure Ellen Vroonhof, coordinatrice de la KidsRights Foundation, qui se trouve aux Pays-Bas. La statisticienne a chapeauté une étude d'envergure mondiale, qui a réuni des acteurs-clés tels l'Unicef ou encore les ministres concernés de pas moins de 163 Etats. Rendu public le 4 juillet, le rapport tient compte de divers paramètres, comme la situation économique d'un pays, sa force d'application des législations en vigueur ou sa propension à en voter de nouvelles. Classée cinquième au niveau mondial, la Suisse a gagné six places en comparaison de 2015, année où elle se contentait de la 11e position. Une réussite qui laisse tout de même une marge à l'amélioration, assurent les spécialistes.
Nombreuses nouvelles lois
La progression de la Suisse dans le classement s'explique par la multiplication de nouvelles lois favorables à l'enfant ces dernières années. «La loi sur l'autorité parentale conjointe, entrée en vigueur en 2009, ou encore la loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants, qui existe depuis 2007, font partie des changements les plus remarquables, note Corinne Nerfin, avocate à Genève. Les pensions alimentaires consécutives à un divorce sont également à l'avantage de l'enfant, qui en profite particulièrement à sa majorité.» Les tribunaux accordent aussi davantage d'importance à la parole des bambins lors de litiges. «Les auditions de mineurs, devenues monnaie courante, étaient inimaginables pour de nombreux juges pendant longtemps», précise Corinne Nerfin.
Même son de cloche chez l'illustre avocate genevoise spécialisée dans les questions familiales Anne Reiser. «Il y a eu de nombreux progrès législatifs chez nous, assure-t-elle. Cela passe évidemment par les lois conçues spécifiquement pour la protection de l'enfant, mais aussi par des initiatives destinées à améliorer les droits humains.» En clair: une meilleure prise en considération des personnes handicapées, la ratification de la Convention de La Haye sur la protection des enfants ou encore la révision de la loi sur l'aide aux victimes (LAVI). Comme les lois nationales, le KidsRights Index est aussi un outil international extrêmement utile pour la cause enfantine. «Il s'agit d'un lobby puissant et efficace, qui permet de mettre la pression sur les gouvernements et d'ouvrir la voie à la discussion», note Anne Reiser.
Bien que les progrès soient notables, la marge d'amélioration en matière des droits de l'enfant reste tout de même importante en Suisse. Obstacle de taille: le fédéralisme, qui serait un frein au progrès juridique dans le pays. «Dans une nation où les cantons sont souverains, chacun fait comme il veut. Et ce, sans grands égards pour le pouvoir central, relève la chercheuse Ellen Vroonhof. Il est donc plus difficile de faire valoir de nouvelles lois de manière uniforme dans le pays. L'application du pouvoir judiciaire est inégale entre régions.»
Tant pis pour les parents
Une réalité que connaît bien Anne Reiser, qui espère uniformiser l'application des lois protégeant l'enfant. «Notre dispositif politique nous empêche d'être inscrits au sommet du classement, insiste l'experte. Idéalement, il faudrait se doter de moyens de mesurer sur le plan cantonal l'application efficace des lois fédérales.»
Il n'en demeure pas moins qu'une plus grande protection des enfants passe par une remise en question de l'autorité parentale. Comment s'assurer donc que les figures du père et de la mère ne deviennent pas de nouvelles cibles d'attaques juridiques? «Il est tout à fait possible d'envisager un environnement favorable aux droits de l'enfant sans porter atteinte aux parents, assure Ellen Vroonhof. Il n'est pas question de punir dans ce cadre légal, mais de protéger.»
Anne Reiser va encore plus loin, en affirmant que les conflits parentaux pourraient s'alléger grâce à une plus grande considération de l'enfant: «En offrant un espace de conciliation permettant aux adultes de purger leurs conflits, on prendrait soin d'eux. On leur éviterait d'avoir à instrumentaliser les enfants dans l'espoir d'être entendus, insiste-t-elle. Les petits doivent rester à l'écart des conflits des grands.» De là à créer les conditions-cadres permettant d'accéder à la première place du classement, il reste encore du pain sur la planche.