ConfessionsLa Suisse menacée par les armes lourdes
Me Metaxas, le défenseur des braqueurs lyonnais, parle au «Matin» de ses clients et amis qui ont fait de la Suisse leur terrain de jeux.
- par
- Laurent Grabet

L'avocat du grand banditisme, David Metaxas, vient de publier un livre, sorte de best of de sa carrière
S'il n'avait pas été «avocat borderline», David Metaxas se serait vu écrivain ou gangster. Avec sa grande et belle gueule portée sur la frime, on l'imaginerait volontiers en rock star. C'est en écrivain qu'il nous reçoit. Le Lyonnais de 35 ans, surnommé par ses pairs «la robe noire du milieu», vient de publier en Suisse, aux Editions Favre, un best of de sa médiatique carrière. Pour en parler, il nous a donné rendez- vous dans son cabinet. Dans la salle d'attente, six classeurs bourrés de coupures de presse narrent ses exploits et en disent long sur son ego.
L'avocat évoque la Suisse où il ne peut plus se rendre suite à sa garde à vue dans l'affaire Neyret. Une expérience douloureuse dont il parle dans le livre et qui a failli lui valoir d'être radié du barreau. «Pour les braqueurs lyonnais, la Suisse reste un eldorado où il suffit de se baisser pour ramasser or, voitures et argent. Votre pays pourrait établir la peine de mort, cela ne suffirait pas à les dissuader. Ils n'ont rien à perdre et refusent de passer leur vie à regarder ceux qui ont tout pendant qu'eux zonent dans leur cité.» Et les choses pourraient empirer.
Pour l'instant, elles se sont plutôt calmées car nombre de braqueurs sont derrière les barreaux. «Mais là, ils sont en train de se radicaliser. Certains ont déjà renoncé à leur liberté conditionnelle en se disant: «Après je pourrai faire ce que je veux.» Ils ont désormais des bases arrière en Suisse. Les braquages à l'arme lourde ne devraient plus tarder.»
Entre compassion et fascination
«Les garçons», c'est ainsi que Me Metaxas désigne les braqueurs de banlieue qui constituent la majorité de sa clientèle, tiennent une place de choix dans son livre. Il leur a du reste envoyé un exemplaire dédicacé en prison. Eux l'appellent le «Tigre». «Pour ma manière agressive de les défendre», précise l'intéressé en allumant une cigarette. Entre l'avocat et ces malfrats, on sent de la fascination. «En termes de tempérament, on se com- prend. Je trouve romantique de vivre en dehors des règles. Ce choix dénote du courage mais aussi une inconscience notamment du mal qui en dé- coule. Quatre kilomètres séparent ces jeunes de la presqu'île de Lyon. Ce luxe qu'on leur refuse, ils vont le prendre.»
L'avocat connaît cette «mentalité née de la pauvreté et de l'exclusion». Il a grandi dans une famille de classe moyenne à Vaulx-en-Velin la sulfureuse. La violence de banlieue, il la connaît «par cœur». «Un ami proche a été tué dans l'affaire de la Brasserie de la poste.» Pour les braqueurs qu'il croise en boîtes et qui souvent sévissent en Suisse, il est tour à tour l'avocat, le pote et le grand frère. Eux le respectent. «Car je les considère comme des êtres humains pas comme des petits voyous.» Deux cents sont derrière les barreaux. «Un gâchis car sortis de leur cité, ce pourrait être de belles réussites.»
Me Metaxas, qui se verrait bien se lancer en politique, enfile alors son costume d'homme de gauche. Le tout sous l'objectif du photographe pour qui il prend la pose sans en avoir l'air. «La réinsertion est possible mais rien n'est fait pour cela en prison. Un ex-client a ouvert un resto. Un autre est chauffeur-livreur. Mais un troisième a joué le jeu un an et vient d'être pincé avec 650 kg de cannabis dans son coffre. Se couper de son ancien environnement est compliqué surtout quand un coup peut rapporter 300 000 euros!»