Etats-UnisLa Suisse pays armé modèle selon les USA
Suite à la fusillade de Parkland, le «Washington Post» rappelle l'exception représentée par notre pays, très armé mais peu touché par les tueries. Les experts nuancent.
- par
- Fabien Feissli

Un fusil et des jouets: une cohabitation très helvétique, mais citée en exemple par les Américains. A gauche, Lisa Mazzone, conseillère nationale (Les Verts/Ge).
Mercredi, dix-sept personnes sont mortes dans un lycée de Floride, abattues par un jeune homme de 19 ans muni d'un fusil semi-automatique. Comme à chaque tuerie de masse, le débat sur les armes est exacerbé aux États-Unis. Hier, le Washington Post relayait une étude menée dans plus de 170 pays et soulignant le lien entre nombre d'armes par habitant et fréquence des fusillades. Mais le journal américain met en avant une exception: la Suisse, troisième pays le plus armé du monde et plutôt épargné selon le quotidien. «Pourquoi n'y a-t-il jamais eu de tuerie dans une école de Suisse?» s'interroge-t-il. Parmi les explications, l'auteur pointe un contrôle renforcé des autorités et une culture du compromis apprise dès l'enfance.
«Dépasser les chiffres bruts»
«Ce dernier argument me semble un peu cliché, même si on a un autre rapport aux armes», observe Lisa Mazzone. Tout en rappelant que notre pays a déjà été frappé par des fusillades, notamment celle de Zoug en 2001, la conseillère nationale (Les Verts/GE) assure que la Suisse fait face à d'autres défis dans ce domaine. «Nous ne sommes pas de si bons élèves. Nous avons un taux de suicide par arme à feu très élevé. C'est extrêmement préoccupant.» À ses yeux, le nombre d'armes en circulation en Suisse, notamment à cause du service militaire, pose un problème de sécurité publique. «Même sans les munitions, elles restent un danger», regrette-t-elle, tout en invitant à ne pas sous-estimer les risques de violences domestiques, en particulier envers les femmes.
Directeur de l'Observatoire universitaire de la sécurité, à Genève, Frédéric Esposito observe que la comparaison effectuée par le Washington Post est tronquée. «Il faut dépasser les chiffres bruts et prendre en compte le contexte. En Suisse, une part importante des armes est mise à disposition par l'armée. Les personnes sont encadrées et n'ont pas les munitions à disposition», souligne le spécialiste, précisant que les conditions pour acheter une arme en tant que privé sont très restrictives dans notre pays.
Du côté de ProTell
Du côté de ProTell, le lobby suisse des armes, Jean-Luc Addor confirme également les différences entre systèmes helvétique et américain. «Là-bas, certains peuvent obtenir une arme sans aucune formation. En Suisse, quand vous enlevez ceux qui ont fait leur service militaire, ceux qui font partie d'une société de tir et ceux qui chassent, finalement, il ne reste plus grand monde qui n'est pas encadré», détaille le conseiller national (UDC/VS).
À ses yeux, les causes des tueries, que ce soit aux États-Unis ou en France, sont à chercher ailleurs. «Contrairement à ce que pensent certains, on ne peut pas faire de relation mathématique entre nombre d'armes en circulation et risque pour la population. La réalité suisse le prouve bien», continue-t-il. Le vice-président de ProTell regrette donc que l'Union européenne tente d'appliquer une réglementation identique à tous les pays de l'espace Schengen. «La diversité des traditions de chacun fait que nous avons la capacité ou non de gérer la présence d'armes.» D'après lui, le droit helvétique sur le sujet s'est déjà considérablement durci ces dernières années. «Pour moi, on a fait ce qu'on pouvait raisonnablement faire afin de garantir la sécurité publique sans porter atteinte à la confiance réciproque entre les autorités et le citoyen.»