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FauneLa Suisse prête pour les piranhas

Sous l'effet du réchauffement climatique, des espèces exotiques dangereuses pourraient désormais survivre sous nos latitudes.

Cléa Favre
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Cléa Favre
En principe, le piranha vit dans les rivières d'Amérique du Sud.

En principe, le piranha vit dans les rivières d'Amérique du Sud.

David Aubrey / Science Photo Library / Biosphoto

Depuis maintenant plusieurs années, il est de bon ton d'avoir un boa dans son salon, un gecko dans sa chambre ou des poissons japonais au-dessus de ses casseroles. Las, certains apprentis vétérinaires sont tentés de s'en débarrasser dans la nature. Malheureux, mais pas nouveau. En revanche, ce qui a changé et pourrait causer des dégâts considérables, c'est le climat. «Auparavant, à peine relâchées, la plupart des espèces exotiques mourraient car elles n'étaient pas adaptées aux températures d'ici. Mais les choses changent sous l'effet du réchauffement climatique», explique Jean-François Rubin, président de la Fondation de la Maison de la rivière et professeur à la Haute Ecole du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève (HEPIA). «Plusieurs espèces de poissons se sont acclimatées sous nos latitudes. A titre d'exemple en Camargue, dans le sud de la France, les piranhas se sont développés dans des canaux, à l'abri du froid et sont aujourd'hui toujours présents. Ils peuvent donc survivre dans les eaux européennes», poursuit le spécialiste. L'arrivée d'une telle espèce non indigène constitue potentiellement un énorme bouleversement pour la faune et la flore locales.

Ils pullulent ou meurent

Autres animaux qui pourraient désormais se plaire en Suisse: certains serpents, tortues ou lézards. «D'une manière générale, il n'y a pas de juste milieu avec les animaux introduits. Soit ils s'adaptent – s'ils n'ont pas de prédateurs, ni de maladies – et pullulent, soit ils meurent», précise Jean-François Rubin. Cependant, la détention de serpents, et plus généralement d'un grand nombre de reptiles, est soumise à autorisation de la part de l'Office vétérinaire cantonal. Mesure qui limite les risques d'abandons sauvages.

Face au réchauffement du climat, le plus grand danger pour l'homme vient en réalité des insectes, qu'ils soient ravageurs des plantes ou vecteurs de maladies. Ce que confirme Serge Fischer, collaborateur à Agroscope. «Par exemple des moustiques originaires du Sud pourraient transmettre le chikungunya et d'autres affections.» Chaque année, de nouveaux insectes s'introduisent en Suisse, soit d'eux-mêmes, soit par le biais de marchandises importées ou du tourisme. Sans les ennemis naturels qui les contrôlent dans leurs pays d'origine, certains s'attaquent alors aux cultures, bouleversant les stratégies modernes de lutte biologique. «Il n'existe souvent pas de pesticides sélectifs contre ces nouveaux ravageurs. Cela oblige à un retour au passé, avec l'utilisation de produits qui ne respectent pas les insectes auxiliaires utiles», déplore Serge Fischer.

Pour prévenir les dégâts que pourraient causer certains animaux de compagnie exotiques, la législation semble suffisante aux yeux de Jean-François Rubin. «Bien que la loi sanctionne les abandons sauvages, il est extrêmement peu probable de retrouver les coupables», regrette-t-il. Le spécialiste propose donc de créer une liste noire des animaux indésirables en Suisse, à l'image de celle qui existe déjà pour les plantes. Ainsi, il serait interdit de commercialiser certaines espèces comme certaines tortues ou écrevisses.

Les experts sont tout de même rassurants sur un point: les mygales ne sont pas du tout armées pour le climat de la Suisse. Elles ne supporteraient pas même un jour de gel.

La tortue hargneuse avait déjà frappé à Renens (VD)

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