JO de TokyoLaurent Dufaux avait aussi vécu un triplé suisse
Le Vaudois se souvient forcément de cette Vuelta en 1996 où il avait terminé 2e derrière Alex Zülle et devant Tony Rominger. «Mais là, aux Jeux, c’est autre chose.» Il revient sur le triomphe des Suissesses à VTT.

- par
- Christian Maillard

Tony Rominger, Alex Zülle et Laurent Dufaux avaient aussi réussi un bel exploit en Espagne, mais ce n’était pas aux Jeux.
Un triplé helvétique, comme ce mardi à Tokyo, avec le drapeau rouge à croix blanche et l’hymne national, le sport suisse l’avait déjà vécu. il y a vingt-cinq ans. C’était à Madrid lors de l’arrivée du Tour d’Espagne où après trois semaines d’effort, Alex Zülle s’était imposé devant Laurent Dufaux et Tony Rominger.
Le Vaudois se souvient très bien de ce grand moment. «C’était en effet un grand tour et une épreuve sportive importante. On l’a d’ailleurs fêté récemment à Crassier en compagnie de Daniel Girard qui a ouvert un Musée du vélo. Mais là, si on se remémore un grand moment, relativise l’ex-coureur d’Ollon, aux Jeux olympiques, c’est un autre niveau.»

Quand il y repense, il y a forcément des poils au garde-à-vous, des émotions qui remontent à la surface, mais ce que lui, Alex, Tony et tous les autres Suisses dans le pays ce mardi était dans un registre encore plus fort émotionnellement. «On n’est pas près de revivre un truc pareil de sitôt, renchérit celui qui est dorénavant directeur sportif de Cogeas Cycling Team. Mais ce n’est pas un hasard si notre pays est la meilleure nation du monde.»

La démonstration de Jolanda Neff a impressionné Laurent Dufaux.
Pour Laurent Dufaux ce triomphe est aussi celui de Bruno Diethelm, entraîneur national de VTT. «C’est un personnage dans l’ombre qui s’implique corps et âme pour le cyclisme, le cyclocross et le VTT en suisse que j’ai pu découvrir en suivant mon fils Lois en Coupe du monde, poursuit-il. Il y a également tous les clubs formateurs dans les régions et des bénévoles qui construisent ces futurs champions où les meilleurs jeunes finiront par percer au plus haut niveau international. C’est déjà le cas depuis des années où on est devenu la meilleure nation du monde. On récolte le fruit de notre travail et c’est une belle récompense.»

Pour le Vaudois, ce triomphe de Jolanda et des Suissesses est aussi celui de Bruno Diethelm, entraîneur national de VTT.
‹‹Aujourd’hui Jolanda a vraiment été impressionnante. Sur un terrain aussi compliqué et rendu glissant avec la pluie, elle a pu faire valoir son aise technique supérieure à toutes ses adversaires.››
Laurent Dufaux a vécu ce «grand moment du sport suisse» à Aigle. «Je suis super content pour Jolanda qui a connu passablement d’avaries ces dernières années. Après une chute grave à l’entraînement l’an passé, elle a eu de la peine à revenir au premier plan en Coupe du monde où elle s’est même fracturé une main, s’ébahit l’ex-coureur. Aujourd’hui elle a vraiment été impressionnante. Sur un terrain aussi compliqué et rendu glissant avec la pluie, elle a pu faire valoir son aise technique supérieure à toutes ses adversaires. Il n’y a pas eu photo.» Ou plutôt si, avec ce si beau podium…

Cette image de joie à l’arrivée pourrait rejaillir sur le reste de la délégation.
«C’était beau de voir ces images à l’arrivée, cette joie dans le camp suisse avec le staff et toutes ces émotions qui remontent pour les athlètes, les coaches et l’entourage, renchérit le Vaudois. Ce sont des années de travail pour arriver au top le jour J. Mais cela ne tient parfois pas à grand-chose. On l’a vu avec les Françaises qui étaient attendues comme les grandes favorites et elles sont passées complètement à côté de leur course. Pauline Ferrand-Prévot a commis une grosse erreur sur un passage technique et cela l’a déstabilisée pour perdre pied et toute sa confiance. Cela ne pardonne pas.»

Laurent Dufaux: «C’était beau de voir ces images à l’arrivée, cette joie dans le camp suisse avec le staff et toutes ces émotions qui remontent pour les athlètes, les coaches et l’entourage.»
Pour Laurent Dufaux, ces images festives et d’euphorie vont forcément rejaillir sur le reste de la délégation. «Cela va enlever la pression à d’autres athlètes en leur insufflant un dynamisme et une motivation supplémentaire dans d’autres disciplines, il y a encore de beaux moments à vivre, c’est certain, estime celui qui avait disputé les Jeux de Sydney en 2000. Quand tu es au village olympique, que tu croises d’autres athlètes qui pratiquent d’autres sports, c’est magique et inoubliable.» Comme il y a 25 ans à Madrid et surtout ce mardi à Tokyo…
Alex Moos: «Elle est un peu fracassée dans la tête!»
Autres réactions
Alexandre Moos (ancien coureur cycliste): «C’est incroyable et complètement fou! En plus, ma fille, Amandine, 9 ans, qui fait aussi du bike, est «monstre fan» de Jolanda. Juste avant son anniversaire, elle lui a demandé de lui envoyer des cartes dédicacées d’elle et la championne est tellement sympa qu’elle lui a envoyé d’autres cadeaux. On était tous à fond derrière elle ce mardi. Avec tous ses ennuis de santé dont une main cassée peu avant ces JO c’est vraiment exceptionnel ce qu’elle a réalisé. Mais il n’y a pas de miracle. Pour atteindre un tel niveau aux Jeux. il y a eu un gros travail de préparation derrière. Elle était au-dessus du lot techniquement. C’est ce qui a fait la différence. Vous n’allez pas me croire mais j’ai dit à mes amis avant la course que Jolanda allait s’imposer et que les Françaises qui s’étaient mis une trop grosse pression ne feraient même pas une médaille. Sur un tel tracé aussi technique je m’attendais à un tel dénouement. Je connais Jolanda Neff depuis longtemps. Elle est un peu fracassée dans la tête. Je me souviens un jour où elle repoussait sans cesse ses limites. Après chaque passage, elle augmentait la vitesse jusqu’à ce qu’elle s’envole. Fougueuse et tête brûlée, elle a parfois tendance à prendre des risques surréalistes pour pas grand-chose, c’est son défaut. Mais là que ce soit le choix des pneus et la gestion de la course, cette fois-ci tout était maîtrisé, c’était la perfection. En plus, avec la pluie, sur un tel parcours, cela a cassé le moral des deux Françaises qui n’ont pas su vaincre leur appréhension. Cette course on n’est pas près de l’oublier.»
«À 13 ans, elle était déjà plus forte que les autres»
Jean-Christophe Guinchard (ancien triathlète, aux JO de Sydney): «Trois Suissesses sur un podium olympique, c’est juste magnifique. Je connais bien Jolanda et Linda qui sont venues en stage à Champéry, un peu moins Sina mais quelles championnes! C’est fabuleux ce qu’elles ont fait à Tokyo, en assumant parfaitement leurs responsabilités. Elles étaient tout les trois bien préparées physiquement et techniquement. Sans être favorites, elles ont su profiter de la situation pour vivre ce moment historique. C’était magnifique à voir gérer leur course. C’était du beau VTT avec une réussite totale. Jolanda avait 13 ans quand elle est venue à un camp à Champéry, elle était déjà plus forte que les autres, au-dessus de la norme physiquement et déjà techniquement. Même si elle est parfois fragile mentalement, quelle démonstration ce mardi. C’est un moment historique du sport qu’il faut savourer.»