SuisseL’aviation d’affaires veut voler vert
Une étude tempère les enthousiasmes puisqu’elle estime que l’utilisation d’avions entièrement électriques transportant plus de 100 passagers semble peu probable au cours des 30 prochaines années ou plus.

Une propulsion alternative pourrait un jour remplacer les avions à réaction conventionnels, en particulier les petits appareils sur des vols courts.
Durement frappée par le coronavirus et une taxe climatique que Berne veut imposer, l’aviation d’affaires suisse met les bouchées doubles pour réduire les émissions de CO2. Climeworks, spin-off de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), a développé la première technologie commerciale d’élimination du carbone au monde, avec un kérosène synthétique émettant au maximum 20% de dioxyde de carbone.
«Le secteur de l’aviation est responsable d’environ 2% de toutes les émissions mondiales de CO2 d’origine humaine. Sans contre-mesures, sa part pourrait atteindre 5% d’ici 2050 car il devrait témoigner d’une croissance rapide», explique à AWP la responsable de la communication de Climeworks.
L’entreprise zurichoise a été fondée en 2009 par deux ingénieurs en mécanique de l’école polytechnique – Christoph Gebald et Jan Wurzbacher. Elle a conclu de nombreux partenariats, notamment avec Audi et en 2018 avec Coca Cola HBC Switzerland, et a ouvert une filiale à Dresden, en Allemagne, en 2016.
L’exemple norvégien
Précurseur en la matière, «la Norvège a exigé que d’ici à la fin de l’année 0,5% du carburant utilisé par l’aviation dans le pays soit respectueux de l’environnement, avec un objectif de 30% d’ici 2030. Elle veut que tous les vols court-courriers soient 100% électriques d’ici 2040», selon une récente étude de Mc Kinsey & Company.
Norsk e-Fuel, nouveau consortium industriel européen dont le siège est à Oslo, construit la première usine européenne pour la production de carburants renouvelables à partir de CO2 et d’eau en utilisant 100% d’électricité renouvelable. Elle devrait entrer en service en 2023. Climeworks fait partie de ce consortium et fournira du CO2 à partir d’air pour la fabrication de carburant renouvelable.
En faisant appel à un processus de co-électrolyse en une seule étape, les technologies de Climeworks et de l’allemand Sunfire convertissent l’électricité renouvelable, l’eau et le CO2 captés dans l’air ambiant et les sources de CO2 inévitables en gaz de synthèse. Les carburants renouvelables, tels que le carburéacteur, sont ensuite produits par un traitement et un raffinage ultérieurs.
Réaliste pour les petits avions
La réduction des émissions par l’électrification ou l’hydrogène pourrait être partiellement possible à long terme, mais il n’y a guère de solutions de rechange à court ou moyen terme aux carburants à base d’hydrocarbures tels que le kérosène pour les vols long-courriers, selon Mc Kinsey.
«La commercialisation de carburants synthétiques à base d’hydrocarbures est nécessaire pour réduire les émissions de CO2 de l’industrie aéronautique afin d’atteindre les objectifs climatiques, soit une diminution de 50% par rapport à 2005 selon les exigences des accords de Paris sur le climat», commente Climeworks.
Or pour Mc Kinsey, le carburant représente généralement 20% à 30% des coûts d’exploitation, l’un des éléments de coût uniques les plus importants. Chaque kilogramme de kérosène génère 3,15 kg de CO2.
Une propulsion alternative, par exemple par l’électricité et l’hydrogène, pourrait un jour remplacer les avions à réaction conventionnels, en particulier les petits appareils sur des vols courts. Mais l’utilisation d’avions entièrement électriques transportant plus de 100 passagers semble peu probable au cours des 30 prochaines années ou plus, estime la même étude.
Par contre, de plus petits avions propulsés à l’hydrogène pourraient devenir réalisables au cours de la prochaine décennie. Pour Mc Kinsey, le prix du kérosène synthétique renouvelable pourrait être égal à celui des combustibles fossiles dès 2036.
Raison pour laquelle Climeworks travaille d’arrache-pied pour l’aviation d’affaires, avec les Suisses qui jouent un rôle de pionnier, à l’image de la collaboration entre le spin-off de l’EPFZ et Cat Aviation.
Climeworks compte 15 usines en fonctionnement en Europe qui filtrent plusieurs milliers de tonnes de CO2 par an. Une offre qui sera considérablement élargie au cours de cette année, ce qui triplera la capacité totale de l’entreprise zurichoise.