AviationLe 737 MAX «défectueux et dangereux»
Vendredi, la Commission des transports du Congrès américain a taclé le constructeur Boeing et son modèle cloué au sol depuis près d'un an.

Les 737 MAX sont cloués au sol depuis le 13 mars 2019, après deux accidents rapprochés ayant fait 346 morts.
Le 737 MAX de Boeing, cloué au sol depuis près d'un an, est un avion «fondamentalement défectueux et dangereux», qui démontre la nécessité de réformer les réglementations relatives à la certification des avions de ligne, a estimé vendredi la commission des Transports du Congrès américain.
A quelques jours de la commémoration de la tragédie d'Ethiopian Airlines, le 10 mars, qui a fait 157 morts en 2019, les élus de la Chambre des représentants ont dévoilé des conclusions sans appel.
Myriade de dysfonctionnements
Cet accident est survenu moins de cinq mois après celui de Lion Air qui a fait 189 morts dans des conditions similaires. C'est principalement le dysfonctionnement du système anti-décrochage MCAS, spécialement conçu pour compenser des moteurs plus lourds, qui a été mis en cause.
Une myriade de dysfonctionnements techniques ont également été mis au jour, tels que le manque de redondance de certains systèmes, normalement présents en plusieurs exemplaires par mesure de sécurité en cas de défaillance de l'un d'entre eux. «Le fait que plusieurs erreurs de conception technique ou erreurs de certification aient été jugées conformes par la FAA (régulateur aérien, ndlr) illustre un besoin crucial de réformes législatives et réglementaires», indique cette commission dans un rapport préliminaire, dévoilé vendredi.
«Développer un avion commercial conforme aux règlements de la FAA mais fondamentalement défectueux et dangereux met en évidence un système de surveillance de l'aviation qui a désespérément besoin de changements», ajoute-t-elle.
Décision rarissime
Le 737 MAX est cloué au sol depuis le 13 mars 2019. Les autorités du monde entier avaient pris cette décision rarissime en raison des similitudes entre les catastrophes. La FAA avait, elle, été la dernière à prendre cette décision rarissime pour un nouvel avion. Le géant de Seattle (nord-ouest) a suspendu les livraisons, arrêté la production et remplacé son directeur général. Cette crise est la plus grave en 104 ans d'histoire du célèbre avionneur.
Boeing travaille actuellement à un correctif du système MCAS pour obtenir la levée de l'interdiction de vol. Mais depuis, d'autres problèmes ont été détectés, notamment un dysfonctionnement d'un logiciel censé s'assurer du bon fonctionnement du MCAS au démarrage de l'avion.
Des incertitudes entourent par conséquent la date de remise en service de l'appareil. American Airlines, United Airlines et Southwest, trois compagnies clientes du MAX, ont déjà repoussé les vols sur cet aéronef à juin.
Pratiques condamnables
La Commission des Transports du Congrès rappelle avoir tenu cinq audiences publiques avec plus d'une douzaine de témoins; obtenu des centaines de milliers de pages de documents de la part de Boeing, de la FAA et d'autres personnes impliquées dans la conception de l'avion.
Elle a en outre entendu de nombreuses personnes, qui ont spontanément dénoncé certaines pratiques condamnables et qui ont contacté directement la Commission. Enfin, des dizaines d'anciens et actuels employés de Boeing et de la FAA ont été interrogés pour établir ce rapport.
Facteurs humains
Les enquêteurs formulent cinq critiques principales qui avaient déjà été mises en exergue par d'autres enquêtes: les pressions sur les employés de Boeing pour augmenter la cadence de production du MAX au détriment de la sécurité; des présupposés erronés sur des technologies critiques dont le MCAS; les dissimulations d'informations cruciales auprès de la FAA, les compagnies clientes et les pilotes; des conflits d'intérêt ainsi que l'influence de Boeing sur la FAA.
La Commission «va s'attaquer aux problèmes qui ont été identifiés (...) afin d'améliorer la sécurité en incluant l'intégration des facteurs humains», a expliqué l'élu démocrate Rick Larsen, président d'une sous-commission. Il a aussi promis de poursuivre l'enquête «en gardant dans nos pensées les victimes et leurs familles».
«Examen approfondi»
David Calhoun, le nouveau patron de Boeing, a pris les rênes de Boeing le 13 janvier en remplacement de Dennis Muilenburg. Il a promis un changement de culture interne pour restaurer la réputation de l'entreprise ternie par cette crise, ainsi que les liens de confiance avec les autorités et les compagnies clientes.
«Nous avons largement collaboré à l'enquête de la Commission au cours de l'année passé», a indiqué Boeing dans un communiqué laconique. «Nous allons passer en revue le rapport préliminaire».
De son côté, le régulateur aérien a souligné dans un communiqué que ses procédures de certification avaient conduit à une sécurité aérienne sans précédent aux États-Unis mais a également fait amende honorable, soulignant être une institution «qui apprend (de ses erreurs) et qui est ouverte à un examen approfondi». Dans un communiqué séparé, il a aussi annoncé une amende de 19,68 millions de dollars (18,44 millions de francs) contre Boeing pour un problème de certification de sondes installées sur 791 avions 737 dont des Max.