Danse: Le BBL expédie Montreux sur Mercury

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DanseLe BBL expédie Montreux sur Mercury

Le Ballet Béjart jouera à guichets fermés «Le Presbytère» les 15 et 16 mars au Stravinski pour les 50 ans du Montreux Jazz. Observation en coulisses avec Gil Roman.

Caroline Piccinin
par
Caroline Piccinin

Mercredi, au chemin du Presbytère de Lausanne. Le studio de répétition du BBL est déjà rempli par les danseurs qui fouleront la scène de l'Auditorium Stravinski de Montreux la semaine prochaine. Certains s'échauffent, les autres papotent pendant que l'un d'eux chantonne «I Want To Break Free». Évidemment, la musique de Queen est sur toutes les lèvres.

Gil Roman arrive, warmies aux pieds (chaussons en duvet) et lunettes sur le nez. Le directeur artistique colle une bise par-ci, un petit mot par-là, avant d'aller prendre sa place pour lancer cette répétition. Une danseuse éternue: toute la compagnie rit à l'unisson. Ça commence, et malgré l'exactitude des gestes et les prouesses physiques, l'ambiance est douce. Les tableaux se succèdent tout comme la voix de Mercury et les notes de Mozart. Les presque deux heures se terminent par un phénoménal solo d'Oscar Chacon.

Tous applaudissent et viennent s'asseoir devant le chorégraphe. Il revient sur ce qu'il a vu. «Quand vous faites semblant de chanter, allez-y. N'ayez pas peur d'en faire trop. Maurice avait imaginé ça en pensant à Fellini», explique-t-il avec une assurance qui n'a rien d'autoritaire. Il donne ses corrections aux danseurs, démontrant l'explication par le geste, puis libère la compagnie. Les danseurs s'éparpillent, la répétition est terminée.

Avenir et souvenirs

Quelques minutes plus tard, Gil Roman nous reçoit. Un bâton d'encens termine de calfeutrer l'ambiance bohème de son bureau, il allume une cigarette, et raconte comment l'idée de ces dates montreusiennes est née: «C'est toujours pareil, les choses se font parce que l'on rencontre les gens. J'ai rencontré Mathieu Jaton, et on a eu envie de faire quelque chose.» Il nous confie qu'il n'était pas du tout prévu de rejouer cette pièce en Suisse cette année et que le choix du «Presbytère» était une évidence. En évoquant les disparus autour de cette œuvre – Maurice Béjart, Jorge Donn, Freddie Mercury et Gianni Versace, Gil Roman explique: «C'est un ballet qui intègre cette notion de mort et de renaissance. C'est le cycle de la vie», et le cycle est aussi exprimé là, dans les studios de la compagnie, par la passation de son rôle à Oscar Chacon. «Évidemment, il y a tout ce que j'ai vécu avec cette pièce (il marque un silence). Donc j'essaie de lui transmettre au fur et à mesure, mais il a sa propre expérience du rôle.» Il reprend: «Ce sont les sensations que j'ai eues en dansant des choses que j'essaie de transmettre à mes danseurs» ajoutant que les mots ne peuvent faire ça. «La musique me sert à faire comprendre ce que je cherche à dire à travers la danse.»

Ne pas regarder en arrière

Chez Gil Roman, on sent le besoin de laisser vivre le souvenir, tout en regardant devant. L'émotion qui fait face à la précision, car il y a peu de place pour le hasard, et surtout pas dans la distribution des rôles. On le titille: et si Oscar venait à se blesser cette semaine, qui pourrait danser le rôle? «Pour l'instant je n'ai pas le danseur idéal qui a les capacités et les qualités pour le faire en dehors d'Oscar. Il n'y aurait que moi», assume-t-il. Ce qui nous donne le sourire et nous ouvre la voie pour lui demander comment il se sent pour juin, où il remontera sur scène pour danser sur «Swan Song», du chorégraphe et ancien danseur du BBL Giorgio Madia. «Comme d'habitude, j'accepte les choses par défi! Ça m'oblige à prendre des risques et ça développe quelque chose que j'aime avec ma compagnie. Parce que j'ai plus un rapport de directeur et que c'est agréable qu'ils voient que je suis derrière avec eux. Que je suis aussi tremblant et transpirant, c'est comme ça que j'entends ma compagnie: j'en fais partie.»

Un ange passe et il ajoute avec un sourire: «Moi, je ne suis blasé de rien. Chaque spectacle est une aventure et est important, que l'on danse à Montreux ou à Trifouillis-les-Oies!» avant de conclure quand on évoque l'idée du reste du groupe Queen en live à Montreux pour les accompagner: «Non, Maurice l'a déjà fait. Je n'aurais pas aimé. Par contre, quand j'ai dansé à Paris et que je me suis pris les décibels de Brian May, c'était insensé! Cette puissance, je m'en souviens dans mon corps.»

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