BangkokLe calme du tueur
Une caméra de surveillance a filmé le moment où un homme laisse son sac près du temple. Quelques minutes plus tard, l'explosion y fera 22 morts et 120 blessés.
- par
- Michel Pralong
Alors que la foule se presse au sanctuaire hindouiste, un jeune homme vêtu d'un T-shirt jaune pénètre dans l'enceinte. Il va s'asseoir près de l'entrée, se défait de son sac à dos, et se relève. Après un petit signe de prière en direction de la statue de Brahma, il s'éloigne tranquillement. Une deuxième caméra de surveillance le retrouvera un peu plus loin, marchant dans la rue. Puis c'est la terrifiante explosion qui tuera 22 personnes et en blessera au moins 120 autres.
Les photos après le drame montrent un cratère et une barrière déformée par l'explosion. A l'endroit même où cet homme avait laissé son sac. «J'ai ordonné que les images des caméras soient vérifiées car il y a un suspect, mais ce n'est pas clair qui il est», a annoncé hier le premier ministre thaïlandais, Prayuth Chan-ocha. «Cette attaque est la pire jamais commise», a-t-il ajouté, «ciblant directement des personnes innocentes».
Messages d'avertissement
Selon lui, la police enquête également sur des messages Facebook qui auraient averti d'un danger imminent à Bangkok avant l'explosion. Ils proviendraient d'un groupe antijunte basé dans le nord du pays, en Issan. «Nous sommes à leur recherche.» Cette région est le bastion des Chemises rouges, qui soutiennent l'ancien gouvernement chassé du pouvoir. L'ancien premier ministre Thaksin Shinawatra, exilé pour fuir des poursuites judiciaires, et sa famille sont au cœur des fractures du royaume. Soutenus par le puissant mouvement des Chemises rouges, ils ont remporté toutes les élections depuis 2001 mais sont détestés par l'élite, en particulier de Bangkok.
Dans les rues du centre-ville, de nombreuses forces de police sont présentes et des centaines d'écoles fermées. Au centre de la Croix-Rouge, des centaines de Thaïlandais faisaient la queue pour donner leur sang. Dix étrangers figurent parmi les personnes tuées et identifiées – quatre Chinois, deux Malaisiens, un Indonésien, un Philippin, un Singapourien et une Britannique de Hongkong.
Plus de 24 heures après les événements, le chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), Didier Burkhalter, a «condamné fermement cet attentat et exprimé ses condoléances aux familles et proches des victimes». Le DFAE n'a toujours aucune information faisant état de Suisses touchés par l'explosion.
Deuxième bombe
Hier matin, une autre explosion a eu lieu dans la ville. Un engin, qui pourrait être du même type que celui utilisé la veille, a été jeté d'un pont en direction d'une station de bateau. Il a rebondi et est tombé à l'eau, où il a explosé, provoquant une gerbe d'une dizaine de mètres, sans faire de blessés.
Le cours du baht thaïlandais s'est effondré hier à un niveau jamais vu depuis six ans. La Bourse de Bangkok, inquiète des répercussions que cela pourrait avoir sur le tourisme, était aussi en baisse. Un secteur qui est l'un des rares encore porteurs dans une économie thaïlandaise qui continue de souffrir plus d'un an après le coup d'État de l'armée. Il représente environ 10% de l'activité du pays.